Édito : À TOUT JAMAIS, LEURS VOIX…

L’édito du numéro hors-série Yom HaShoah 2019.

La Torah ne commence pas par la première lettre de l’alphabet, alef א ,mais par la lettre beit ב ,une lettre qui signifie en hébreu « maison ». Elle se dessine précisément comme la promesse d’un foyer : un trait y trace un toit, un autre, un mur posé sur le sol, et l’ouverture dans la calligraphie dit la porte de cette maison dessinée sur le parchemin. Voilà comment commence l’histoire, dans la promesse d’une maison qui saura offrir une protection à celui qui s’y abrite. À tout jamais, la maison des enfants d’Izieu raconte autre chose… l’histoire d’une maison qui n’a pas pu protéger.

La Torah commence par une histoire d’enfants, l’histoire d’une humanité sous les traits des deux premiers enfants du monde, Caïn et Abel. Un jour, un frère se lève et tue l’autre, par haine, bêtise ou jalousie. Dieu surgit face à l’assassin et lui demande : « Qu’as-tu fait ? La voix des sangs de ton frère hurle vers moi depuis les profondeurs de la terre ». À tout jamais, la maison des enfants d’Izieu raconte la même chose… l’histoire d’un hurlement qui résonne.

« La voix des sangs », c’est celle de ces 44 enfants… Les commentateurs de la Torah ne cessent de s’interroger sur l’étrange pluriel de ce verset biblique. Pourquoi hurlent donc les sangs d’une victime ? Réponse des sages : à travers lui pleurent et s’élèvent les cris de toutes les générations qui auraient pu naître de lui, s’il était resté en vie. À tout jamais, la maison des enfants d’Izieu raconte la même chose.

Et nous pleurons à la fois ce qui leur est arrivé, et ce qui n’arrivera pas parce que leur vie s’est interrompue. Depuis les profondeurs de la terre, s’élèvent les voix de ce qu’ils auraient pu être, et de ce que nous aurions été grâce à eux. Et tout ce qu’il nous reste à faire, est de continuer à écouter, à raconter leur histoire et à leur offrir par nos mémoires une maison dans ce monde.

C’est ce que ce numéro de Tenou’a tente de faire, par le récit et la lecture de
tous ceux qui y ont contribué. Qu’ils en soient ici remerciés.

Ce numéro hors-série de Tenou’a est dédié à la mémoire de notre grande amie Marceline Loridan-Ivens, morte le jour de Kippour 5779.