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Édito : Violence et silence

L’édito du rabbin Delphine Horvilleur.

« Tandis qu’ils étaient aux champs, Caïn dit à Abel son frère… Il se jeta sur Abel son frère et le tua » Genèse 4:8

La scène du crime est connue de tous. Elle ouvre le récit biblique et le hantera jusqu’à sa dernière ligne. Elle fait ainsi de la genèse de la fraternité un fratricide.

Dans ce verset, on assassine un homme mais, incontestablement, on fait aussi violence à la grammaire ! Car le lecteur attentif le remarque vite : il manque dans cette phrase un complément d’objet. « Caïn dit à Abel son frère… » mais que lui dit-il donc ? La parole est ici effacée. Un scribe inattentif aurait-il oublié de transcrire le contenu de l’échange ? Aurait-on perdu la trace des dernières paroles entendues par la victime ? Nous cacherait-on le mobile du crime ? À moins que ce silence n’indique précisément où il nous faut le chercher.

La violence en hébreu se dit alimout et partage sa racine sémantique avec un autre mot, ilem, qui désigne l’homme frappé de mutisme. L’étymologie hébraïque suggère ainsi que la violence est parfois le langage de celui qui ne dispose pas de mots, ou qui ne parvient pas à les utiliser.

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