La beauté en Israël, ode au mélange

Qu’ils soient femmes, hommes ou trans, les mannequins israéliens sont partout et leur splendeur parviendrait presque à faire l’unanimité. Le secret de cette beauté ? La rencontre de l’Autre.

© Shani Nahmias, « Myselves » – www.shaninahmias.com

NATALIE PORTMAN, BAR REFAELI, GAL GADOT, SHLOMIT MALKA…
Le monde entier raffole des mannequins et actrices israéliennes. Mais saviez-vous que Natalie Portman était d’origines autrichienne et roumaine, Bar Refaeli polonaise, italienne et lituanienne, Gal Gadot allemande et tchèque et Shlomit Malka russe et marocaine ? Et si le secret de la beauté israélienne, outre le service militaire qui modèle les corps et le soleil qui dore les peaux, c’était le métissage ?

Au-delà de la perfection plastique des quelques superstars précitées, c’est ce qui me vient à l’esprit lorsque je me promène dans les rues de Tel Aviv ou de Jérusalem. Bien loin de l’image d’un État uniformément blanc (voire « d’apartheid ») que certains se complaisent à peindre, Israël est un pays dont la beauté – celle de ses habitants comme celle de sa culture – est un éloge du mélange.

C’est la jeune Yéménite qui aide un rescapé de la Shoah à monter dans le bus. Ce sont les schnitzels qui côtoient les falafels sur les étals du shouk haCarmel. Ce sont ces grands-parents qui s’adressent en russe ou en arabe à leurs petits-enfants, qui leur répondent en hébreu. Tous ces fragments de la vie israélienne qui viennent nous rappeler, de façon sensible, le quasi-miracle que constitue la réunion de millions de Juifs éparpillés aux quatre coins du monde dans un État sorti de terre en quelques décennies.

Alors certes, qui dit réunion ne dit pas nécessairement mélange, et il serait de bien mauvaise foi d’affirmer que ces retrouvailles ont donné lieu à une symbiose parfaite, à un melting-pot spontané entre des communautés entre lesquelles les barrières seraient tombées à peine un pied posé sur cette terre promise à tous. Non : barrières il y a eu, et barrières il y a encore malheureusement dans bien des cas. Néanmoins, cette réalité ne doit pas en masquer une autre : celle de la porosité qui existe malgré tout entre les différentes composantes de la société israélienne, et qui lui donne sa coloration si particulière. Cette porosité vient se greffer sur une autre : celle qui a toujours existé – à la marge ou de façon plus franche selon les lieux et les périodes – entre les Juifs et la population des pays dans lesquels ils se sont installés. Sans ce mélange-là, il n’y aurait d’ailleurs aucun sens à parler aujourd’hui d’Israéliens « d’origine russe » ou « d’origine marocaine », puisque les Juifs auraient été les mêmes partout, du désert à la toundra en passant par la vallée du Rhin. Le métissage israélien est donc le prolongement d’une autre rencontre, qui le précède et le permet : celle entre les Juifs et les autres nations.

Et c’est d’abord cette rencontre-là qui fut – et demeure – féconde en belles choses. De Philip Roth à Franz Kafka en passant par Leonard Cohen ou Barbara, le croisement entre culture juive et cultures nationales a toujours été fertile. Comme si les Juifs, par une forme de paradoxe, parvenaient à tirer la quintessence du génie de leur pays précisément en le confrontant à leur différence, en le frottant à leur altérité. Comme si la beauté naissait non pas d’une distillation aboutissant à un corps pur, mais au contraire de la réaction avec un corps étranger, de l’irruption d’un Autre créant un précipité.

Et c’est peut-être cela, finalement, Israël : un précipité. Précipité de cultures juives diverses, elles-mêmes nées de l’hybridation entre une tradition millénaire et des milliers d’autres traditions. Plus qu’un mélange : un mélange au carré. Un mélange parfois explosif, aussi, mais n’est-ce pas des étincelles que la beauté jaillit ? Demandez donc à Bar Refaeli !