Édito : La H’shouma

L’édito séfarade du rabbin Delphine Horvilleur

“On choisit pas ses parents. On choisit pas sa famille…” Je me souviens très bien de l’année où cette chanson de Maxime Leforestier passait en boucle à la radio. C’était en 1988. J’étais adolescente et, comme chaque année au mois de juillet, je partais rejoindre une colonie de vacances dans le sud de la France. Dans ce camp d’été d’un mouvement de jeunesse juif, je rencontrais des nouveaux amis, des jeux et des chants, mais surtout, un monde qui m’était un peu étranger, et dans lequel je m’immergeais avec délectation. La petite Ashkénaze que j’étais plongeait, le temps d’un été, dans un univers majoritairement séfarade, totalement exotique et fascinant. Les codes étaient différents, les références culturelles et même partiellement le langage.

J’y apprenais des expressions que je tentais de faire mienne. Quelle ShH’ana quand le soleil tapait sur nos têtes ! Quel kif c’était de devenir pour quelques semaines membre d’une famille qui était à la fois la mienne mais pas tout à fait. Et l’on chantait à tue-tête les refrains de ces années-là, et l’on réécrivait les paroles des chansons qui nous faisaient rêver. Marocaine rimait avec musicienne, tunisienne avec magicienne. Et immanquablement surgissait le moment où, avec humour, quelqu’un faisait remarquer qu’avec Ashkénaze, rien ne rime à part « naze ». Et nous riions de bon coeur comme des enfants que nous étions… même si c’était quand même un peu la H’shouma pour ma famille.

Qu’y puis-je ? « On choisit pas ses parents. On choisit pas sa famille… Être né quelque part, c’est toujours un hasard ». Et le reconnaître, c’est commencer à aimer à la fois le monde qui nous a donné naissance et la possibilité d’en visiter bien d’autres. Je repensais à ces étés de mon adolescence, et j’ai appelé notre rédacteur en chef, Antoine Strobel-Dahan, pour lui dire : “Dis-moi, j’ai une idée de thème pour le prochain numéro de Tenou’a”.