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La santé comme une idole

Avec l’avènement de la pandémie, la santé n’a-t-elle pas été sacralisée comme si elle était la vie même ? Une vie sans danger, sans excès, sans audace, une vie sans la mort.

© Nir Hod, Genius, 2010, oil on canvas – www.nirhod.com

Une célèbre discussion survenue entre les Sages de Rome et ceux d’Israël est citée dans la Mishnah, au traité Avodah Zarah: « S’Il a en haine l’idolâtrie, demandent les premiers aux seconds, pourquoi ne pas la détruire? » C’est que, répondent les rabbins, « c’est le monde entier qui serait anéanti », les idolâtres vénérant d’ordinaire les entités constitutives de l’univers, le soleil, la lune, les étoiles, les êtres les plus nécessaires à la pérennité du monde. Au fond, que sont les idoles sinon des manifestations, des facettes du divin, que le divin ne saurait supprimer sans disparaître aussitôt? Seulement, si « chaque créature indique Dieu, aucune ne le révèle », dit Gide avec raison dans ses Nourritures terrestres. Ça n’est pas le nombre de forces divines auxquelles on croit qui constitue l’idolâtrie; ça n’est pas de se prosterner devant l’une d’entre elles, de s’incliner face à une créature, homme ou être d’ici-bas: c’est de prendre pour la totalité du divin un être qui l’indique – et, ponctuellement, pourrait en effet l’incarner. 

Je crois en la santé, oui, mais comment nier qu’elle est aussi l’un de ces êtres?

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