LEHAÏM ! À LA VIE !

L’édito de la rédaction

Si la rencontre est une idée si universelle, si importante à chacun, si fascinante et parfois aussi effrayante, c’est qu’elle tient parmi les premières conditions du vivant. Sans la rencontre de deux gamètes, point de vie. Il faut qu’à un moment s’accrochent le vent et le pollen, l’insecte et le nectar, l’ovule et le spermatozoïde pour qu’une vie se dessine, une vie qui sera en grande partie dévolue, elle aussi, à rencontrer l’autre. Parler de la rencontre, c’est donc toujours parler de l’autre, qu’on veuille l’aimer ou l’éviter, l’embrasser ou l’affronter, qu’il soit humain, divin, voire en nous. Parler de la rencontre, c’est toujours aussi parler de la vie qui ne se crée qu’au contact de cette altérité.

Il y a fort longtemps, en français, « rencontrer » définissait l’action de combattre. C’est un sens qui n’a pas totalement disparu, comme dans les rencontres sportives, dont certaines seulement sont dites « amicales ». C’est qu’il y a des mauvaises rencontres qu’on aurait préféré éviter, d’improbables rencontres, vingt ans plus tard, au détour d’une ruelle d’une ville lointaine, des rencontres intellectuelles ou spirituelles avec un auteur, un professeur, un maître, une pensée, une religion, des rencontres qui font naître l’amitié ou l’amour, celles qui résultent d’une recherche et celle qui surgissent, fortuites et inattendues.

Il en va ainsi des rencontres que nous raconte la Bible, souvent autour d’un puits, nous rappelle Anna Klarsfeld. D’ailleurs, savez-vous quel couple biblique ressemble au vôtre ? Non ? Faites le test. Il est des rencontres bibliques qui peuvent être orageuses aussi, comme celle des Hébreux avec leur Dieu et sa Loi, raconte Gabriel Abensour. Et, dans le judaïsme, s’il est un lieu de rencontres, c’est bien le Talmud avec sa cartographie singulière où se croisent des personnages qui débattent, s’affrontent parfois, pour faire grandir le texte et les esprits, comme le montrent Noémie Issan-Benchimol et Delphine Horvilleur. La rencontre peut aussi être un rendez-vous manqué, comme celui de Laurent Sagalovitsch avec Dieu ; ou être celle d’une philosophie, d’une pensée qui rapproche et console, analyse Anaël Malet.

Souvent, la rencontre que l’on recherche est celle de « sa moitié », du « grand amour », rencontre que l’on rêve idéale, observe Judith Toledano-Weinberg. Mais elle peut aussi être arrangée pour produire, sinon l’amour, du moins le couple, par le shidoukh juif ou ses équivalents autour du monde, explique Aurélia Elbhar. 

Rencontrer l’amour, c’est parfois accepter d’être déchiré, et ça, ce n’était pas forcément prévu, écrit Audrey Msellati. Et dans le monde connecté et presque infini qui est le nôtre, l’amour se croise à travers des apps et des algorithmes sur nos téléphones, dans un supermarché de la relation où la quantité ne garantit pas toujours la qualité, évoque Audrey Kretzki.

Dans ce numéro, vous rencontrerez aussi l’écrivain Joshua Cohen qui s’entretient avec Fanny Arama, le fabuleux cabinet de curiosités juives de l’Index des Judaïca de la Fondation Rothschild avec Brigitte Sion et le travail, au fil et à l’aiguille, de l’artiste conteuse et peintre Livia Papiernik. 

Alors, que vous soyez plutôt rencontre du troisième type ou rencontre au sommet, à l’encontre ou tout contre, nous vous invitons ici à élargir vos horizons, à découvrir, avec enthousiasme, ou sans même vous en rendre compte, que tout ceci n’est finalement qu’une histoire : c’est l’histoire de quelqu’un qui rencontre… et c’est la vie qui se crée. LeHaïm !