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Les étoiles de Lavoux

Lettre à mon enseignant

© Jossef Krispel, Trippled Dionysos Head, 2012, aquarelle on paper

Nous nous sommes rencontrés il y a trente-cinq ans, en classe de troisième, au lycée Buffon, à une époque où je n’imaginais pas que je deviendrais adulte et qu’un jour viendrait où je serais moi-même un enseignant beaucoup plus vieux que ses élèves. Ce jour a fini par arriver. L’une de nos filles est entrée en troisième cette année.

Vous avez été mon professeur de grec ancien pendant deux ans. Vous étiez déjà assez âgé à l’époque. Je me rappelle l’alphabet et quelques mots (ὁ κόραξ, le corbeau ; τὰ ζῷα τρέχει, les animaux courent), mais j’ai oublié tout ce que vous nous aviez patiemment appris, et c’est Internet qui supplée à ma mémoire pour faire renaître votre enseignement :

ἡ ἀλήθειᾰ (la vérité)
NOMINATIF ἀλήθειᾰ
VOCATIF ἀλήθειᾰ
ACCUSATIF ἀλήθειᾰν
GÉNITIF ἀληθείᾱς
DATIF ἀληθείᾳ

Vous ne seriez pas content de moi et vous auriez raison. Le cancre que le bon élève est devenu n’est même pas capable de réciter ses déclinaisons, contrairement au chœur d’enfants dans la chanson de Jacques Brel, qui sait au moins ânonner « Rosa, rosa, rosam ».

Ma mère, comme vous agrégée de lettres classiques, avait préféré pour moi le grec au latin, par amour d’Eschyle autant que par stratégie scolaire.

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