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Penser la langue de l’antisémitisme

Ensemble le philosophe et psychanalyste Stéphane Habib, auteur de Il y a l’antisémitisme, et l’enseignante et écrivaine Cloé Korman, auteure de Tu ressembles à une juive, interrogent ces choses étranges, mais manifestement pas étrangères, qui nous inquiètent et nous révoltent: l’antisémitisme et le racisme.

© Mali De-Kalo, Smile No. 11, oil and acrylic on plywood, 20×17,5 cm, 2011 – www.dekalomali.com

STÉPHANE HABIB Je voulais, pour commencer, vous soumettre une phrase. Phrase d’Emmanuel Levinas en exergue d’Autrement qu’être ou au-delà de l’essence. En vous lisant, je l’ai très souvent eue en tête : « À la mémoire des êtres les plus proches parmi les six millions d’assassinés par les nationaux-socialistes, à côté des millions et des millions d’humains de toutes confessions et de toutes nations, victimes de la même haine de l’autre homme, du même antisémitisme ». Il fait ainsi équivaloir la haine de l’autre homme et l’antisémitisme. Autrement dit, c’est à tous, à tous les assassinés par les nationaux-socialistes qu’il attribue d’être victimes de l’antisémitisme.

CLOÉ KORMAN Oui, bien sûr. Et puis ces violences exercées sur un autre sont aussi un processus d’autodestruction. Ces derniers jours, j’étais plongée dans la lecture de La destruction des Juifs d’Europe de Raul Hilberg. Il montre que cette destruction débute d’abord en détruisant la manière de fonctionner de l’État, la façon de légiférer et la possibilité de l’entraide. Bien entendu, je n’appelle pas du tout à la compassion pour les bourreaux, mais je m’interroge sur ce qu’il y a d’autodestruction là-dedans.

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