MOUSSAF: POUR QUI SOMMES-NOUS DIGNES DE PRIER ?

« Me voici présent devant Toi; je franchis ce pas, moi qui suis pourtant si dépourvu de mérites. C’est pourquoi je tremble d’une sainte frayeur devant L’Éternel qui trône au milieu des louanges d’Israël. Si je m’avance vers Toi, ô mon Dieu, c’est pour implorer Ta clémence en faveur de Ton peuple, Israël, qui m’a confié cette tâche, et ce, malgré le fait que je n’en sois ni assez méritant, ni assez digne. »

הנני העני ממעש נרעש ונפחד מפחד יושב תהלות ישראל
באתי לעמד ולהתחנן לפניך על עמך ישראל אשר שלחוני
ואף על פי שאיני כדאי והגון לכך

Début de la prière Hineni, “Me voici”, prière dite du Shaliah Tsibour (l’officiant)
Traduction par le rabbin Rivon Krygier

Nous ne sommes jamais suffisamment dignes de représenter notre communauté et de prier pour les autres.
Ce n’est en rien de la fausse modestie que d’exprimer les choses ainsi, mais bien la description de ce qui traverse l’esprit d’un officiant, d’un shaliah tsibour pendant l’office de Kippour, à l’heure où, comme l’ensemble des fidèles, il se présente devant l’Éternel pour faire son introspection, revoir les actions qui ont guidé l’année écoulée et demander pardon pour ses erreurs et ses faiblesses. Car nul homme n’est parfait, mais toujours en quête perpétuelle du meilleur, la perfection étant la recherche continuelle de la perfectibilité. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la présence de trois hommes à la téba est requise. Nul ne peut incarner la communauté seul. C’est d’ailleurs le paradoxe de ma fonction actuelle qui est de représenter la si belle diversité de notre communauté, de toute notre communauté, comme si cela était réaliste.
Il est donc absolument indispensable que le shaliah tsibour prenne conscience qu’il n’est qu’un pêcheur pour pouvoir porter bien plus sereinement la prière de celles et ceux qui lui font confiance. Mais qu’il est difficile de savoir que Dieu sait. Il sait nos faiblesses, mes faiblesses, mes fautes et mes failles, Il sait mes manques et mes mensonges et pourtant, plutôt que de renoncer, je me laisse porter par l’unité de la communauté pour l’entraîner après moi. C’est quelque chose qui ne se décrit pas mais qui se vit.
Et en fait, que disons-nous exactement ? « Me voici venant prier pour Ton peuple Israël. » Il ne s’agit pas de prier en général, mais d’implorer l’Éternel afin de l’aider à trouver comment pardonner à Son peuple. C’est bien d’ailleurs par le verset 17 du psaume 51 que nous débutons tous les offices : « Seigneur, ouvre mes lèvres et que ma bouche chante Tes louanges ». Et nous rappelons au Créateur qu’Il est l’Éternel d’Abraham, celui qui a osé intercéder en faveur de Sodome en débutant par « je ne suis que poussière ». Que sommes-nous d’autre ?
Ce n’est pas tant à nos mérites que nous faisons confiance, mais à la miséricorde divine qui n’a jamais manqué au peuple.
Il y a toutefois un passage qui m’a toujours bouleversé dans cette prière. Nous implorons l’Éternel de faire en sorte que nos amis ne se gaussent pas de nous et de nos fautes si évidentes, si sombres et si graves. En effet, il y a peut-être pire que de ne pas se sentir digne de mener la prière de nos proches, c’est d’être l’objet de leurs moqueries. Que pouvons-nous exprimer si nous sommes délégitimés par la raillerie et la honte ?
Fasse l’Éternel que ce rire de moquerie des cœurs secs se transforme en rire de bonheur car, si nous ne savons pas toujours dire les mots justes, au moins, nous les prononçons ensemble, et c’est cette unité qui est notre défense et notre bouclier, notre espérance et notre rédemption.
Que notre prière trouve écho dans la volonté divine.