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Raison garder

QU’EST-CE QU’UN DÉBAT ?

Le premier ennemi du dialogue n’est pas le dogmatisme, mais l’essentialisation. C’est-à-dire l’assignation à résidence au sein de l’identité qu’on vous attribue.
Depuis toujours, et désormais sur les réseaux sociaux, sévit la démarche qui consiste à attribuer à la personne dont les paroles déplaisent une identité qui permet opportunément de disqualifier ce qu’elle raconte : l’enjeu est de discréditer la question, plutôt que d’y répondre ou d’accepter l’épreuve de la confrontation argumentée. « Si tu dis ça, c’est que tu es ça. Et si tu es ça, ce que tu dis ne mérite pas que je lui réponde. » C’est pratique.

Un tel réflexe – qu’on peut aussi appeler « une façon de défaire » – trouve son origine dans le portrait sans pitié que Platon propose des sophistes. Quand Socrate entreprend de discuter (au début de la République) de la question de savoir ce qu’est la justice, le belliqueux Thrasymaque, avant de célébrer l’injustice, interrompt l’échange aux cris de « Je ne te répondrai pas, Socrate, car tu es méchant ».

La différence (l’unique différence, peut-être) entre Socrate et les Sophistes tient dans le rapport qu’ils entretiennent à la notion de vérité. Les sophistes n’y croient pas, et (en démocrates qu’ils sont) la confondent avec la loi du plus fort (ou du plus nombreux).

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