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Tout change, rien ne change

Avec ce virus, avec le confinement, avec la fermeture des frontières et la peur d’être contaminé ou contaminant, Émilie Frèche avait voulu croire qu’être juif n’aurait plus d’importance. C’était sans compter sur la désastreuse imagination de l’antisémitisme.

© Joseph Dadoune, REX 2019, Acrylique sur toile. 35 x 27 cm – Collection : DW, Paris
Photo : Aurélien Mole – www.josephdadoune.net

Après la sidération, l’angoisse, le nombre de morts, les inconnus à dix chiffres, la fin de l’école, les trente-six repas par jour à la maison, la fermeture des cinémas, des piscines, des jardins, des restaurants et la suspension de nos projets pour une durée illimitée, il m’est apparu que le Covid-19 pourrait avoir au moins un avantage: éradiquer l’antisémitisme. Ce sale virus n’avait pas réussi là où nous avions tous échoué, faire comprendre aux plus haineux qu’au bout du compte, nous sommes tous égaux face à la mort, (il ne faut quand même pas rêver), mais il était parvenu au petit exploit de reléguer notre part juive au dernier rang de nos identités multiples. Et ô, magie, cela valait pour l’ensemble des minorités. En effet, tout à coup, nous n’étions plus d’abord juif, musulman, catholique, Noir, homosexuel ou que sais-je encore, mais seulement vieux ou jeune, fragile ou bien portant. La pandémie avait renversé la table. En un temps record, elle avait instauré d’autres clivages, de nouveaux rapports de force. La montée du communautarisme que nous dénoncions depuis vingt ans s’était désagrégée, il n’y avait plus ni concurrence victimaire, ni concurrence des mémoires, et ce bel universalisme que nous avions tant appelé de nos vœux à coups d’articles, de colloques et de rencontres en ZEP allait enfin pouvoir triompher – le bonheur!

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