À l’origine de Une histoire sans paroles, il y a une rencontre. Le 27 janvier 2019, date de la Journée internationale de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité, Dyna Lancry, directrice de l’école Sinaï (Paris 17e) et Galith Touati, directrice de l’association L’enfant et la Shoah-Yad Layeled France font connaissance lors d’une formation sur l’enseignement de l’histoire de la Shoah à destination des professeurs des écoles juives. Depuis une dizaine d’années, Dyna Lancry aborde l’histoire de la Shoah en classe avec un outil pédagogique original qu’elle a elle-même conçu. Intitulé « La Maison du silence », ce matériel est composé d’une douzaine d’images réalisées par un professeur d’art plastique, Céline Ktorza, à partir d’indications très précises données par Mme Lancry. Partant d’une rue animée dans une ville bientôt occupée par les nazis, et où le ravitaillement commence à s’amenuiser, la succession d’images aborde progressivement la destruction des Juifs d’Europe à travers des restrictions et des interdictions de plus en plus visibles. La persécution des Juifs est représentée par le port obligatoire de l’étoile jaune, les arrestations, la déportation dans un wagon à bestiaux, les camps de concentration et l’extermination. Les dernières images illustrent la foi dans la reconstruction du peuple juif.
Galith Touati est immédiatement séduite par l’idée d’une histoire faisant appel à l’observation des élèves. Elle propose à Dyna Lancry de participer à la création d’un nouvel outil pédagogique pour des élèves plus petits, à partir de l’âge de 10 ans. En collaboration avec Elisabeth Haroche, auteure et éditrice, un scénario est élaboré à partir de la confrontation de plusieurs récits et d’ouvrages historiques. Son originalité est de rendre compte d’événements authentiques dans un récit en images, sans texte. De la première image évoquant l’histoire d’une famille juive en France avant la Seconde Guerre mondiale, jusqu’au dernier dessin, insistant sur l’importance de se souvenir aujourd’hui de cette tragédie, ce scénario met l’accent sur l’expérience d’un enfant.
Dans sa forme, « Une Histoire sans paroles » est un ensemble de douze dessins sans texte réalisés par l’illustrateur Hervé Duphot, complété d’un livret pour l’enseignant. Ils servent de support à une activité en classe permettant d’apprendre l’histoire de la Shoah, inscrite au programme de la classe de CM2.
Comment les enseignants utilisent-ils cette ressource et qu’en retirent les jeunes qui découvrent cette histoire ?
Les élèves observent d’abord en silence la série de dessins qui leur est présentée dans l’ordre. L’enseignant peut choisir de les projeter sur grand écran ou en utilisant les planches et les dépliants de la version imprimée. Une fois les douze dessins découverts, les élèves procèdent à une relecture dessin par dessin en trois étapes. La première aborde la vie des Juifs en France, d’avant la guerre à la rafle du Vél’ d’Hiv les 16 et 17 juillet 1942, lorsque pour la première fois des enfants juifs sont arrêtés en France par la police française. La deuxième étape met l’accent sur le parcours d’un enfant juif caché, qui a pu échapper à cette rafle grâce à l’entraide de Français qui n’ont pas hésité à prendre des risques pour le cacher. Comme ce fut le cas d’un très grand nombre d’enfants juifs cachés, le personnage central de l’histoire a pu franchir la ligne de démarcation clandestinement et trouver refuge dans une famille paysanne à la campagne sous une fausse identité. La dernière étape décrit l’après-guerre avec les thématiques de la reconstruction et de la transmission.
Accompagnés par leur enseignant dans toutes les étapes du décryptage, les élèves décrivent ce qu’ils comprennent des dessins, les comparent, repèrent des indices caractéristiques de la situation de cette famille juive. L’adulte confirme ou infirme les hypothèses et rend compte du contexte historique : les lois de discriminations, les arrestations, la spoliation… Le livret pédagogique permet de s’appuyer sur des textes, des documents d’archives et des photographies pour préparer et animer l’atelier en classe.
Après les phases d’analyse, l’enseignant peut proposer à ses élèves différentes activités, comme par exemple inventer le dialogue correspondant à l’un ou l’autre des douze dessins. Il leur demandera par exemple : Qu’a pu dire la gardienne de l’immeuble lorsqu’elle a fait entrer le garçon dans sa loge ? Qu’a pu se dire à lui-même le garçon réfugié dans le grenier ? Qu’ont pu se dire le père survivant de la déportation et son fils enfant caché lors de leurs retrouvailles ?
Un temps est également consacré au ressenti des élèves face à cette histoire. Il s’agit d’entendre leurs questionnements et d’y répondre : « Qu’on fait les Juifs pour qu’on les persécute ? ». À l’âge de 10 ans, leur empathie se manifeste par des phrases telles que : « C’est triste, on ne devrait pas faire ça ». Leur envie de raconter à leur tour cette histoire se traduit par leur souhait de rapporter les dessins à la maison pour les montrer avec leurs parents. La beauté et la sensibilité des dessins d’Hervé Duphot expliquent certainement le succès rencontré, dès la mise en circulation de « Une histoire sans paroles » en novembre 2020. Une nouvelle édition est parue en 2021, qui a très vite trouvé des prolongements dans une exposition inaugurée le 27 janvier 2022 à la mairie du 11e arrondissement de Paris. Cette année, un concours pour les classes de CM 2, dont les prix seront remis le 22 juin 2023 à l’Hôtel de ville de Paris, invite les élèves à imaginer, écrire et enregistrer les dialogues de cette histoire sans paroles.
Découvrir et télécharger l’intégralité de « Une histoire sans paroles »
Créée en 1997, avec le souci de répondre à la question : « Comment parler de la Shoah aux enfants ? », l’association L’enfant et la Shoah a pour objectif d’encourager l’enseignement de l’histoire du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle propose des ressources pédagogiques permettant un travail transversal avec les élèves.
Les documents pédagogiques sont disponibles sur leur site internet, ou peuvent être adressés sur demande.
L’association L’enfant et la Shoah est agréée par le ministère de l’Éducation nationale.