
Les semaines redoutables
Chaque année à l’automne, les juifs traversent des Yamim Noraïm, les “jours redoutables”.
Entre Rosh haShana (où l’on célèbre la naissance du monde en trempant la pomme dans le miel), et Yom Kippour (où l’on jeûne en vue de la renaissance de soi), les Juifs se tiennent droits pendant que leur âme passe devant le “roi du monde”, en espérant être inscrit dans le livre de la vie.
Depuis octobre 2023, les jours redoutables sont restés figés dans le temps.
Et depuis mi-janvier 2025, alors qu’Israël a enfin signé avec le Hamas un accord cessez le feu contre une libération tant attendue de ses otages, nous voilà entrés dans une autre période suspendue hors du temps, d’autres jours autrement redoutables.
Les captifs seront rendus au compte-gouttes. Qui vivant et qui dans un sac. Qui, quand et comment. Qui dans quel état, visible ou invisible. Qui, et même si.
Et on paie tout cela au prix fort: contre la libération des otages israéliens enlevés lors du pogrom du 7 octobre, la remise en liberté d’un millier de prisonniers palestiniens condamnés pour terrorisme. On est bien entrés dans six semaines redoutables.
Lire les textes des première semaine: Dimanche 19 janvier, 6h30 du matin, on attend et Vendredi 24 janvier: le temps arrêté
Sur le même sujet, lire le « Journal photo de l’attente » de Sarah Ohayon
Aujourd’hui jeudi 30 janvier, 6h40 du matin.
Aujourd’hui, dans ce matin de Jérusalem baigné d’or, on attend Agam, Arbel, Gadi.
La semaine dernière, le jour du shabbat, c’étaient Naama, liri, Karina et Daniela qui étaient revenues. Elles avaient été capturées à cinq. Elles étaient revenues à quatre. On attendait Agam. On avait peur.
On attendait Arbel aussi, qui, nous dit-on, n’était pas aux mains du Hamas, mais du Jihad Islamique. Cela compliquait les négociations car l’accord n’avait pas été passé avec eux. On avait peur de ne plus la revoir. Difficile dès lors, pour le Hamas, de prétendre qu’il maîtrisait la situation à Gaza. Mais c’était peut-être aussi notre chance. Chez Pharaon, faire preuve que l’on maîtrise la situation est plus important qu’une vie humaine. Alors autant les rendre.
Aujourd’hui, Arbel sort, ainsi qu’Agam la dernière des tatspitaniot détenues, avec Gadi Moses, dont le fils parlait sur le plateau télé le dimanche de la première libération, et cinq otages thaïlandais détenus en silence depuis tout ce temps, Thenna Pongsak, Sathian Suwannakham, Sriaoun Watchara, Seathao Bannawat et Rumnao Surasak.
Arbel sort aujourd’hui sans savoir que son frère est mort le 7 octobre, sans savoir que son compagnon est encore retenu en otage. Gadi aussi apprendra en sortant que sa compagne a été tuée le 7 octobre.
Aujourd’hui, c’est Rosh hodesh Shvat.
Les arbres
Le premier jour du mois de Shvat1, jour discret dans le calendrier juif, est pourtant une date essentielle: selon Beit Shamai2, il n’est rien de moins que l’un des quatre Nouvel An de l’année juive: celui des arbres3.
Le Nouvel An des Arbres rime, en Israël, avec l’éclosion des premiers amandiers en fleurs à cette période de l’année, marquant ainsi le début de la fin de l’hiver.
Il en est ainsi dans cette terre: les rites du calendrier sont intimement entrelacés avec les saisons, et les arbres, dans la simplicité du déploiement silencieux de leur vie intérieure – un mouvement sans bruit, mais peut-être bien plus éloquent que les mots, vient incarner un message essentiel de la spiritualité juive: la Vie ultime ne se réduit pas aux vies particulières.
Il y a de multiples saisons dans le grand Arbre de la Vie, et les vies renaissent à chaque saison. Oui selon la mystique juive, la Source de Vie, que l’on appelle Dieu par convention de langage, est comme un arbre: bien au-delà des saisons, par-delà mille vieillesses, mille morts, et mille renaissances, c’est pourquoi on l’appelle, comme Il vient de l’apprendre à Moïse au début du nouveau livre que l’on vient d’ouvrir4: l’Éternel.
Et à Son image, dont l’arbre sous son déguisement de nature, est le signe, et dont le diagramme des sefirot, les attributs divins selon la kabbale lourianique, est le code, la Torah est appelée “Arbre de vie”5.
À partir d’aujourd’hui, Rosh Hodesh Shvat, le jour du renouveau trois fois6, en attendant la troisième libération de ses captifs, Israël lèvera les yeux pour contempler avec émerveillement les délicates fleurs blanches percer le ciel bleu dur, ces fleurs si gracieuses qui ont pourtant dû, pour vivre, déchirer la dure écorce des bourgeons qui les retenaient captives.
N’est ce pas cela, au fond, que la sortie d’Égypte?
Sortir d’Égypte
Car au même moment, c’est bien ce qui se passe dans le récit biblique.
La première des six semaines redoutables avait coïncidé avec l’ouverture du livre de Shemot.
On y lisait la descente en esclavage des Bnei Yisrael en Égypte, mais aussi, presque immédiatement, la promesse faite à Moïse, qu’ils en sortiraient. La semaine dernière, Parashat Vaera nous racontait le début de l’insupportable période des négociations entre Moïse et Pharaon, qui refusait de laisser partir les esclaves hébreux.
Dieu, nous dit le texte, avait “endurci le cœur de pharaon”.
Et voilà que le tyran refusait de laisser partir ses captifs, voilà que la providence divine envoyait des makot-littéralement des coups pour qu’il cède, des coups sur son pays et sur son peuple, mais voilà qu’il s’en foutait.
Et chaque fois il faisait mine de céder, dès que le problème disparaissait, dès que le cessez-le-feu avait pris fin, il revenait sur sa décision, et refusait de laisser partir les captifs.
Dix fois. À dix reprises, ce jeu morbide s’était rejoué, jusqu’à ce que Pharaon, ayant mené son peuple à la ruine et son pays à genoux, seulement lorsqu’il avait commencé à être touché dans sa propre chair, et quoiqu’avec encore bien de la réticence, avait accepté de laisser partir les captifs.
Plus de deux mille ans après ce récit mythique, les plaies d’Égypte, et les plaidoyers pour la sortie des captifs, se sont rejoués.
Cette fois-ci, le triste jeu d’échecs dure depuis quinze mois. Quinze mois de combats sans champs de bataille, conformément à la stratégie de Hamas de se cacher parmi la population civile afin de mieux lier les mains de l’armée d’en face, et de l’accuser du Gros mot si en vogue aujourd’hui chez les antisémites à bonne conscience.
Quinze mois de bombardements terribles que la terre entière reproche à Israël, en oubliant ce qu’est une guerre, oubliant surtout que celle-ci, qui nous coûte tant et a mis notre pays et nos âmes à genoux, cette guerre que nous haïssons plus encore que l’ennemi, n’aurait simplement pas eu lieu si Pharaon n’avait envahi, attaqué, enlevé, et tenté, pour le coup, un vrai massacre israélien dénié par retournement d’accusation. Oubliant, enfin que cette guerre voulue et poursuivie par des voyous lâches applaudis comme des héros sur les grandes places des villes occidentales par des blancs privilégiés en quête de cause – bien plus que par leurs propres cousins du jihad global contre la civilisation occidentale, cette guerre sans fin aurait pris fin le 8 octobre, il y a deux ans, s’il avait, alors, tout simplement, rendu les captifs.
Mais les saisons passent et, qu’on le veuille ou non, qu’on y croie ou non, les bourgeons éclosent à nouveau sur la terre d’Israël.
Récit de la sortie d’Égypte. Libération de captifs descendants des esclaves hébreux du récit, à la frontière du même pays. Date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau.
De telles conjonctures ne s’inventent pas.
Oui, malgré tout, il y a tant à se réjouir aujourd’hui et, tout, dans le calendrier comme aux infos, dans les textes comme sur les arbres sublimes soudain éclôts de blanc qui m’éclatent au visage lorsque j’entre dans le jardin de Bei Hansen où je m’apprête à déjeuner avec Anna, tout nous dit le même message: libération. Renaissance. Renouveau.
Peut-être que l’amandier en fleur, pétales fragiles éclatants de blancheur autour de leur minuscule coeur rose et d’or, comme des lumières sur le ciel intense de Jérusalem qui m’ont fait penser immédiatement au fameux cerisier japonisant de Van Gogh, peut-être que ces amandiers en fleur peuvent nous permettre de mieux comprendre, mieux que tous les mots, le miracle de la libération, et de la renaissance.
Le jour de la commémoration de la Shoah, on apprenait qu’après des jours et des mois d’intenses négociations, Arbel, aux mains du Jihad Islamique, ainsi que Gadi, allaient être libérés aujourd’hui, jeudi, avec Agam, la dernière des tatspitaniot qui était restée derrière.
Rosh Hodesh est aujourd’hui, mais voilà déjà deux semaines que l’on voit des délicates fleurs blanches, pâles de tant de temps sans voir la lumière du jour, sortir enfin de leur captivité.
Elles sortent au compte-gouttes, et faute d’être Moïse et Aharon, le petit peuple comme moi se retrouve pour faire l’une des choses que font le mieux les israéliens: prier et chanter ensemble.
Les prières de l’attente
Après les premières libérations du dimanche 19 janvier, la seconde vague avait eu lieu shabbat dernier.
Plusieurs ont grincé des dents, ici. “Ils le font exprès pour nous faire profaner le shabbat.”
Les gens comme moi, qui sanctifient le jour saint en se gardant d’écrans, étions à priori réduits à attendre les trois étoiles de la nuit pour savoir ce qu’il en était.
Mais comme il suffit aussi de marcher dans la rue à Jérusalem et de croiser quelqu’un qui a regardé son téléphone, ou qui a rencontré un voisin, ou qui a parlé avec un metapel7 philippin collé aux informations, la nouvelle se répand vite.
Après l’office du matin j’étais passée au rassemblement de tsomet oranim, au bout de la promenade formée par l’ancien chemin de fer.
On y déploie une ou deux martselot – les grandes nappes de plastique tressé que les israelien gardent souvent pliées dans leur voiture afin de le déployer dans la nature lorsqu’on part en ballade, et s’assoient dessus gravement les familles des otages, pancartes à la main, photo et nom de l’être aimé; et bientôt viennent s’agglutiner de tous côtés, formant un cercle compact, les amis, voisins, habitants du quartier, tous ceux qui, comme moi, ressentent le besoin de soutenir, se connecter, se rassembler, écouter, soutenir, prier, chanter ensemble, prier pour leur retour.
Plusieurs prennent la parole. Cette semaine j’entends de loin la rabbah Tamar, avec sa voix si douce, et son appel si profond. Ses mots sont toujours si justes. Cette fois-ci je ne l’entend pas, elle est trop loin, de l’autre côté du cercle, et il n’y a pas de micro, c’est shabbat.
Mais peu importe si on entend. On est là pour être là.
Ils lisent une prière écrite récemment pour les otages.
On chante le psaume de David.
“Et quand je marche dans la vallée des ombres de la mort, je ne crains pas le mal…”8
Et puis ce chant/prière de Naomi Shemer, interprété ici il y a quelques mois, dans la douceur de son piano, par Keren Peles. Un chant oxymorique – comme tout dans ce pays – et l’un des symboles culturels fondateurs de la culture israélienne contemporaine. Un chant chanté d’ordinaire chaque année le jour de Yom haatsmaout9, que voici remobilisé dans cette guerre, et désormais chaque shabbat midi après l’office du matin.
Dehors dans la rue au milieu d’un carrefour entre la Moshava Germanit et Baka à Jérusalem, on y chante ces mots, parce qu’au fond, même si la situation est particulièrement extrême aujourd’hui, les peurs et les espoirs exprimés ne sont pas nouveaux. Ils font partie, qu’on le veuille ou non, de la condition israélienne contemporaine depuis 1948:
Garde, mon Dieu, cette maison pour moi,
le jardin, le mur,
Protection, face à la peur soudaine
Et la guerre. (…)
Pour tout cela, S’il-te-plaît, protège-moi, mon bon Dieu.
pour le miel et pour ce qui pique,
Pour l’amer et pour le doux.
S’il-te-plaît, ne déracine pas ce qui a été planté,
N’oublie pas l’espoir.
“Ramène-nous, et nous retournerons10”
Au bon pays.
Ils finissent avec “le chant des mères” et le rassemblement se termine.
Les familles assises se relèvent; les yeux s’essuient; les embrassades se prolongent. Chacun se dirige vers son déjeuner de shabbat.
Il faut bien vivre.
Et puis au moment de quitter la foule j’entends un passant derrière moi partager à quelqu’un “Ça y est elles sont passées dans les mains Tsahal”.
– Qui? lui dis-je presque en criant
– Naama.
– Naama? Naama Levi??
Je crie, j’essaie de modérer un peu mon enthousiasme, devant l’impassibilité de mon messager qui n’a pas l’air de s’en émouvoir comme moi
Les noms
Naama est l’une de celles qui m’ont le plus touchée. Moi, comme des millions dans le monde.
On se souvient de la voir poussée violemment de l’arrière d’un pick-up blanc du Hamas, mains menottée derrière le dos, bras en sang, visage en sang, énorme tâche de sang noire au niveau des fesses, vers l’entre-jambe.
Je pense à son visage, labouré de sang qui coule, alors qu’elle regarde celui qui vient de lui péter la gueule et qui maintenant la prend en photo comme trophée, et elle essaie quand même de lui parler. “J’ai des amis en Palestine.”
Et c’était vrai. Elle avait fait partie d’un mouvement de jeunesse qui réunissait jeunes Israéliens et Palestiniens, afin de construire un futur de paix ensemble.
Même humiliée, battue, et plus, elle essayait encore de construire un pont entre eux. Elle essayait de parler à l’humain.
Ils l’ont enfermée dans un tunnel. Pendant ses cinquante premiers jours de captivité, elle y était restée seule. Au point que lorsqu’ils l’en avaient fait sortir, pour la réunir aux autres dans une chambre afin de servir d’esclaves à leurs geôliers, elle avait demandé à ses copines si elle était vivante.
Je pense à celui que l’on voit sur le film, mais aussi à la jouissance de celui qui filmait cela.
Hier, on vient d’apprendre que celui que l’on voit dans la vidéo, celui qui la tire violemment vers l’arrière du pick-up, pieds nus et boitant, ensanglantée, menottée, avec un cri de guerre, le héros de la résistance des révolutionnaires woke, vient d’être tué par Tsahal.
Cela me fait du bien de le lire. Je ne me réjouirai jamais de la mort d’un être humain.
Mais oui cela me procure un sentiment de soulagement. De justice faite. De sécurité, aussi.
Elle est revenue. Elle vivra. Elle sera, si Dieu veut, résiliente.
Lui aujourd’hui n’est plus.
C’est important pour nous.
Et c’est pour cela que Tsahal prend tant de peine à rechercher et à éliminer ceux qui nous ont offensés.
Ils ne le font pas seulement pour nous. Cela fait partie de notre conversation non-verbale avec une culture qui méprise la diplomatie et ne respecte que la force.
Israël s’emploie à leur montrer ce qui les attend s’ils nous blessent. La politique de dissuasion joue une partie importante de l’action de l’armée israélienne. Est-ce que cela marche, avec une culture qui valorise le martyre et éduque, littéralement, ses jeunes, à être de futurs sha’hidim?
Je ne suis pas sûre.
Mais c’est mieux que rien.
Hier on a aussi appris la mort, après de multiples tentatives ratées, de Mohammed Deif, la tête de la branche militaire du Hamas.
Avec tout cela, la sombre promesse de Nes et Stilla, dans ce clip vengeur cathartique sorti peu après le 7 octobre, semble réalisée. Ils y scandaient en rap “Tous ceux qui ont planifié, tous ceux qui ont soutenu, tous ceux qui ont exécuté, tous ceux qui ont assassiné”.
Et de lister: Sinwar, Nasrallah, Mohamed Deif, Haniyyeh.
Hier, leur liste a été complétée.
La chanson a été controversée pour son langage violent et dégradant, incitation à la violence. C’est aussi oublier que la catharsis est l’une des fonctions de l’art. Pense à la vague de peintures de “gueules cassées” après la première guerre mondiale.
Ici, dans les jours qui suivent le plus grand massacre perpétré sur la société israélienne depuis l’indépendance de l’État, et sur les Juifs depuis la Shoah, en disant, ces deux jeunes expriment leur douleur et leur colère, et la promesse de ne pas se laisser faire. C’est un triste jeu.
Mais est-il parfois nécessaire?
C’est peut-être l’une des plus grandes différences entre le Juif israélien, et bien des Juifs de diaspora.
Le Juif israélien ne cherche plus à être aimé de ses voisins.
Il aimerait. Il espère. Et, malgré la claque du 7 octobre, pour celui de gauche, il continue d’essayer.
Mais il a compris qu’ici, être respecté donne plus de chances de survie que d’être aimé.
Il l’a appris en partie de ses grands-parents qui ont survécu à la Shoah, mais aussi aux pogromes réguliers en Iran, au Yémen, et aux diverses persécutions dont ils faisaient l’objet dans les pays arabes.
Et la vie en Israël le lui rappelle tous les jours.
Alors il cultive une force que le monde blanc, celui qui lui repprochait sa faiblesse hier, ne lui pardonne pas aujourd’hui.
Tant pis.
En attendant, Naama est revenue.
Son nom était dans la liste.
La triste mémoire des listes nous revient comme un spectre de l’histoire, cette fois en négatif: aujourd’hui, il vaut mieux être sur la liste.
À ce jeu cruel des noms, j’avoue avoir jeté mes dés.
J’avais espéré que ce fut Agam, la jolie violoniste qui, disait on, s’était mise à garder shabbat en captivité, et refusait d’obéir aux autres de ses geôliers le jour saint.
Agam qui avait indiqué qu’elle ne voulait pas sortir un shabbat.
Et voilà qu’on apprendra à la fin dudit jour saint qu’elle n’est pas sortie.
La quatrième à être libérée, ce jour–là, était Liri.
Quelle cruauté, d’avoir à regretter pour certains en même temps que l’on se réjouit pour d’autres.
C’est ainsi que vivent les familles des otages aujourd’hui: certains sont enfin soulagés, d’autres se réjouissent pour les autres, mais doivent aussi garder leur peine pour eux.
Il y a les parents de ceux qui sont sortis vivants et les parents de ceux qui y sont morts. Les parents de ceux dont on espère qu’ils sortiront et ceux, comme la famille Bibas, dont on ne sait pas s’ils sont vivants ou s’ils sont morts.
De toute façon, les deux parents de Shiri Bibas sont morts assassinés le 7 octobre. Au moins eux ils ne passent pas leur temps dans l’agonie de l’attente.
Agam n’est pas sortie Shabbat, comme elle le préférait, mais rosh hodesh, jour des femmes, et jour du grand renouveau. Elle est bien sûr, comme les autres, sortie blême comme un spectre revenu de la vallée de la Mort.
Je la vois sur l’extrait diffusé par les caméras israéliennes, assise sur les genoux de sa mère sur le canapé de la chambre d’hôpital, sa mère si rose et bien portante à côté de la peau de sa fille d’une blancheur effrayante. La mère enfin rassérénée qui lui caresse les cheveux en lui répétant avec effusion comme si c’était possible, et vrai, “on ne te lâche plus maintenant, on ne te lâche plus d’une semelle…”
Comme si, surtout, cela allait changer quelque chose.
On connaît nombre des familles qui sont mortes ce jour-là toutes ensembles. Les parents, les grands-parents, les enfants. Et le chien.
L’une de ces familles, sa photo lumineuse passe en boucle en ce moment sur les réseaux. C’étaient des amis proches du frère de Matan. Ils partaient en rando souvent ensemble, les deux couples, et chacun ses trois enfants.
Sur une vidéo de famille devant un beau paysage de rando, on voit le père, la mère, et trois petits adorables, qui font des bisous à la caméra. Ils ont été tués tous le 7 octobre. Le père, la mère, fusillés, les trois petits brûlés vifs dans l’abri de la maison qui ne les aura pas abrités.
Au moins personne ne reste derrière tout seul.
Nous on a attendu, et hier Agam est sortie. Elle, et Arbel, et les premiers hommes otages de ce convoi, Gadi et les cinq ouvriers thaïlandais.
Mais ce sont d’elles que je parlerai aujourd’hui.
Les jeunes filles en fleur
Car jusqu’à Gadi et les ouvriers thailandais enfin libérés hier, c’est bien par elles que l’on avait commencé: celles que Proust aurait appelé sans rougir des “jeunes filles en fleur”.
De 20 à 30 ans, certaines en avaient encore 18 au moment de leur capture.
Des enfants, presque. L’une jouait du violon. L’une faisait du piano et chantait magnifiquement. Agam a encore des bagues!
Les quatre déjà libérées étaient venues l’accueillir dans le couloir de l’hôpital où elle avait été transférée depuis l’hélicoptère de Tsahal.
La coiffure était restée la même pour certaines, mais il n’y avait plus d’uniforme.
On les avait libérées en uniforme: queue de cheval haute serrée, uniforme large en imitation baggy kaki de l’uniforme militaire israélien, car elles étaient des soldates. Tout était prévu dans la mise en scène des libérations des tatspitaniot.
Mais soudain, revenues en Israël, dans ce couloir d’hôpita, les voilà redevenues des ados, qui en queue de cheval et qui les cheveux lâchés, qui a retrouvé ses deux mèches de devant, qui en jean slim et qui en petit t-shirt blanc juste au-dessus du nombril.
N’eût été quelque chose, dans l’énergie, un peu trop calme, une forme d’épuisement sous la pâleur, une presque-absence derrière le sourire, comme si elles avaient trop bien appris à disparaître derrière les masques d’un visage impassible, on aurait pu croire facilement que rien ne leur était arrivé.
Mais ne vous trompez pas sur les jeunes filles en fleur.
Daniella m’avait impressionnée; je me souviens d’une des premières vidéos que le Hamas avait diffusé des jeunes captives.
Elle regardait celui qui tenait la caméra droit dans les yeux, avec un regard noir. Elle le fusillait du regard, coincé contre son mur, dans le noir.
Son corps leur appartenait; ses yeux étaient insoumis.
Aviva Siegel, une femme aux cheveux blancs qui a été libéré en novembre et témoigne abondamment depuis, attendant de pied ferme son mari Keith, un citoyen américain toujours en captivité, a témoigné de ce qu’elle a vu une partie de ce qu’on leur fait là- bas, dans les tunnels:
Je les ai vu prendre une jeune fille.
Il l’a pris par les cheveux et l’a jeté au sol avec une extrême violence.
Je l’ai vue tomber brutalement en arrière.
“Je vais te tuer!” il lui crie.
Quatre autres arrivent.
Ils la menottent. La recouvrent entièrement d’une couverture. La traînent dans la salle à côté
Et ils la frappent;
Et ils la frappent;
Et ils la frappent.
Au bout de vingt minutes, les bruits cessent. Ils la ramènent. La jettent dans un coin.
Alors seulement, recroquevillée sur le sol, elle se mettra à pleurer “comme un petit enfant,” dit Aviva.
“Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire: mais comment as tu fait pour ne pas crier? Je voulais crier pour toi!
– Je ne voulais pas leur donner ce plaisir.”
Oui les jeunes filles en fleur ont parfois une force que vous n’imaginez pas.
Comme Emily, l’une des premières à avoir été libérée, et qui avait demandé à être “échangée” contre Keith Siegel, dont le visage émacié et maculé de sang hante les murs de Jérusalem depuis près d’un an et demi sur des posters qui disent au passant interdit: “Et si c’était ton père?”

Comme Liri, qui avait refusé de quitter Agam, samedi dernier. Ils l’ont eue par la surprise, en la faisant croire qu’elle partait filmer une vidéo.
En attendant, le témoignage d’Aviva n’est pas isolé.
Amit, qui était sortie en novembre dernier, celle qu’on voit dans une vidéo du 7 octobre enlevée par cinq types qui la hissent sur l’épaule de l’un, presque en sous-vêtements, pendant qu’elle se débat de toutes ses forces, jusqu’à ce qu’ils la jettent au sol et l’attachent poignets et chevilles pour la prendre comme un paquet, Amit qu’ils battront abondamment, en captivité, pendue la tête en bas, en plus du reste, est de celles qui ont raconté.
Elle est la première, l’hiver dernier, à avoir brisé le silence concernant les viols en captivité.
Et elle raconte que c’est aussi Liri qui lui avait sauvé la vie, en allant parler à leurs geôliers qui, persuadés qu’elle était officier dans l’armée, voulaient sa peau.
Oui, ne vous laissez pas méprendre par leurs visages lisses et leur beauté à peine en fleur.
On ne sait pas pourquoi; ni laquelle; jusqu’où ni combien.
Serait-ce l’une de celles qu’Israël a accueilli en liesse shabbat dernier?
L’une de celles à qui le Hamas a demandé de lever les bras et d’agiter les mains en signe de salut, sourire figé à la foule de Gazaouis surexcités qui sifflent de tous les côtés, entre joie de festival de Cannes, testostérone déplacée, et avant-goût de lapidation populaire?
Avec tout cela, après tout cela, les voilà de retour. Elles sont debout et elles sourient, elles envoient des messages d’amour et de gratitude. La sortie d’Égypte a bien commencé, pour elles, par elles, et avec elles.
Bien sûr, Pharaon fait tout pour maquiller sa concession en victoire:
La cérémonie de sortie des quatre petites, shabbat dernier, avait tout d’une farce.
Une farce de bien mauvais goût.
La remise
Comme beaucoup autour du globe, j’ai regardé la cérémonie de la libération des quatre petites mise en scène par le Hamas, avec stupéfaction.
Il y avait là une sorte de mélange.
Entre remise de prix et graduation d’université à l’américaine, remise de médailles de jeux olympiques, festival de Cannes, et jeux du cirque, la scène avait lieu dans une place de terre battue au milieu d’immeubles détruits, dans le nord de Gaza.
Une estrade noire était dressée. Dessus, une table, nappe noire.
Des chaises, des micros.
Des soldats du Hamas, que la presse internationale appelle encore des “militants”, y sont postés.
Une vieille femme en hijab noir, voile noir, passe devant eux avec un petit panier tressé de communion, et jette sur la scène, asperge sur les guerriers au fusil, des confettis.
Ça ne s’invente pas.
Tout autour, aussi d’autres guerriers. Une foule compacte de terroristes en uniformes et, derrière, la foule d’hommes gazaouis de tous âges, surexcités. Deux membres de la Croix-Rouge, deux blancs longilignes blêmes à lunettes et brassard rouge, montent sur l’estrade, signent un document.
La foule s’impatiente; des clameurs, des sifflets.
Le même qui a sorti Romi et les autres sortira les petites aujourd’hui.
Soudain la voiture arrive, s’arrête. Une clameur commence à monter de la foule.
Soudain la porte s’ouvre, et la foule exulte en sifflets.
On se croirait au festival de Cannes. Elles sortent, les quatre petites, l’une après l’autre, étroitement encadrées par leurs geôliers, l’un qui les précède en marchant à reculon avec sa caméra, pour les filmer de près pendant qu’elles avancent sur la scène.
On les a autorisées à se laver et on leur a donné des vêtements neufs pour leur sortie.
Elles sortent blêmes, fluettes, visage minuscule dans les uniformes trop larges, mais debout sur leurs deux jambes, proprement coiffées, les cheveux tirés en arrière en queue de cheval.
Aux sifflements de la foule, dont on ne sait si c’est de l’extase ou de la haine, elles lèvent les mains dans un sourire, les yeux clignant au soleil, ce qui renforce encore plus la clameur.
Elles montent sur l’estrade une par une, et avec leur jeunesse et sveltesse, leur uniforme comme un survêt et leur queue de cheval haute, on dirait une équipe de gymnastes en uniforme.
Le Hamas les montre une dernière fois comme trophées.
N’était le cadre surnaturel des tueurs qui les entourent, dans une ville détruite par la guerre, on dirait une cérémonie de célébration – mais de quoi?
D’eux, pour les avoir détenues? D’elles, pour avoir survécu?
Elles regardent la foule, interdites. Elles ont appris à être très calmes. Beaucoup de sang froid. Jusqu’au dernier moment, il faut se tenir au courant. L’essentiel est de sortir. Elles ont peut-être un peu de mal à y croire, on ne leur a pas dit jusqu’à ce matin.
Et puis remise du diplôme comme à une cérémonie de graduation aux États-Unis, et puis elles agitent les mains alors que la foule qui, il y a quinze mois les aurait lapidées, exulte comme un plein orgasme.
Le Hamas a joué le même jeu avec Agam, hier. Moins impressionnant, car elle est sortie toute seule.
Elle se retrouve sur la scène face à un encagoulé en noir, caméra brandie à cinquante centimètres de son visage, qui lui montre la chorégraphie en balancant vigoureusement ses mains en signe de salut. Elle fait comme lui.
N’était le contexte atroce, et qu’il aurait pu la tuer si elle ne faisait pas ce qu’il lui dit, on aurait pu presque croire à une mère envahissante surexcitée de capturer des images de la cérémonie de fin d’études de sa fille.
C’est peut être l’une des choses, paradoxalement, les plus dures pour moi à voir. De voir ce qu’on les force à faire, et qu’elles le font, comme des poupées tirées par des fils invisibles.
Là est la véritable violence. Quand on te fait faire des choses, avec ton corps, et ta bouche, parce que sinon…
Juste avant de sortir de la voiture, le Hamas les a filmées délivrant chacune un message sympathique, en arabe, qu’ils diffuseront à des fins de propagande.
Calmes et souriantes, elles parlent d’une voix douce, l’espèce de diplôme du Hamas encadré tenu entre les mains face à la caméra, le porte-clé aux couleurs du drapeau palestinien à la main, d’une voix calme et posée, en parfaite maîtrise de soi, elles répètent chacune le paragraphe qui lui a été assigné: Merci aux Brigades d’Al-Aqsa de les avoir nourries, vêtues, merci de les avoir protégées des bombardements israéliens…
En les entendant, je ne peux m’empêcher de penser à Staline, sans doute l’un des plus grands meurtriers de ses concitoyens, et qui se faisait appeler, le “petit père des peuples”.
Pour Arbel, la libération, ça a plutôt été la descente dans l’arène, les jeux du cirque.
Après ça
On n’a vu que quelques images hier, mais c’était moins soigné.
Point de scène et de remise des prix, point de queue de cheval propre et d’uniforme neuf. Point de gadgets et de diplômes rutilants qui tendent à faire penser qu’à Gaza, au moins, le Hamas ne meurt pas de faim.
Arbel, qui est restée ces 15 mois de captivité seule dans un tunnel, sort, famélique, visage minuscule, blême, apeurée, en sweat à capuche et manteau ouvert, au milieu d’une foule serrée qui bouscule dangereusement de tous côtés. Les terroristes qui l’entourent doivent la protéger de la horde qui tente de s’approcher violemment.
Israël condamne, et retarde la libération de terroristes palestiniens qui devait avoir lieu en échange.
On est tout juste trois jours après la commémoration de la sortie d’Auschwitz, et je ne peux m’empêcher de voir le parallèle. Les prisonniers du goulag, “au moins”, les prisonniers politiques, aujourd’hui, en Syrie, en Iran, a priori ils savent pourquoi on les arrache à leur vie. Ils ont été dissidents. Ils se sont levés pour la liberté. Ils ont pris un risque.
Arbel, son crime est d’être née en Israël. De même que les massacrés de la Shoah ont été pourchassés et tués parce que nés juifs.
Ces derniers jours, je ne peux m’empêcher de repenser à cette chanson de Goldman, si honnête, si vrai “Et si j’étais né en 17… aurais-je été de ces improbables consciences, là au milieu d’un torrent?”
La question, ayant grandi dans la France post-Shoah, je me la pose depuis longtemps. Et toi?
En réalité, Goldman me revient assez souvent en tête en ce moment, car une autre chanson est montée dimanche, après la libération des quatre petites:
“Qu’est ce qu’on peut bien faire, après ça?”
En ce qui me concerne, je ne pouvais faire grand chose, dimanche matin.
J’étais vidée. Vidée.
C’était la retombée de tension, après quinze mois d’attente agonistique, d’attente de Naama, et des autres. La décompression après une agonie de près d’un an et demi.
Naama était sortie. Romi était à la maison. Les employés de l’aéroport pouvaient décrocher, enfin, les posters de celles qui étaient revenues.
Il y avait quelque chose de paralysé qui commençait enfin, peut-être, à circuler à nouveau.
Une société en apnée depuis plus d’un an. Et voilà que certains commençaient à revenir.
On avait vu Roy se jeter sur Daniela, dans le couloir de l’hôpital, la prendre dans ses bras dans un cri et dans un sanglot, et ses premiers mots étaient un cri déchirant: Daniela! Marie-toi avec moi!
Emily était revenue, et j’ai pensé à elle. Pas seulement à cause de l’héroïsme dont elle a fait preuve. Mais parce que j’ai joué de la guitare.
J’ai joué de la guitare, et en regardant ma main gauche placer les accords sur le manche, je me suis dit “Si elle jouait de la guitare, avant, elle ne pourrait plus, aujourd’hui. Plus comme ça.”
Elles étaient revenues. L’attente, pour elles, était terminée, et avait laissé place au soulagement. J’étais vidée, et j’ai vite compris que je ne pourrais rien faire d’autre, du moins pas ce matin-là.
Alors je suis allée rejoindre ma copine Shiraz à Casa Lavi, sur la route de Beit Lehem.
On a bu un matcha, puis deux. J’ai mangé. On s’est posé. On n’a parlé que de ça.
On n’avait besoin que de ça.
On a parlé d’Agam, aussi à propos de laquelle on ne savait pas.
Mais j’ai décidé d’y croire.
Parce que pour Naama, je n’y avais pas cru. Je n’avais osé y croire. Et j’en ai honte
J’ai honte
Naama est sortie. Je n’arrive pas à y croire.
Le passant continue: “Oui oui.
Et Karina.”
Karina, dont le poster plus que grandeur nature est en face de moi, sur le mur de la synagogue dont sa mère, ou sa tante, est administrattice.
Karina revient aujourd’hui!
“Et puis Daniela.”
Daniela Gilboa, qui s’appelait Danielle avant le 7 octobre, et dont les parents on fait ajouter, comme à Avraham, le “hé” du nom divin, dans l’espoir de retourner son sort.
“- Et la quatrième?
– Je ne sais plus…”
Le suspense demeurera donc jusqu’au soir.
On est repartis sur le jeu sordide des noms.
Qui sortira, qui ne sortira pas.
C’est comme à la télé-réalité, mais en inversé: ici, les gagnants sont ceux qui sortent.
Le prix? La vie.
J’ai honte parce que j’avais baissé les bras trop vite. Je doutais beaucoup qu’elles sortent Je me disais, si elles sortent, ce sera en dernier. Quoi? Des jeunes filles, et des soldates avec ça, ça fait trop cher le trophée pour le laisser partir si vite.
Je me souviens d’entendre parler la mère de Naama, dans ses nombreuses interviews, qui continuait de plaider, et d’attendre, sans trêve. Elle attendait que sa fille revienne.
Comme si elle était sûre que sa fille allait finir par revenir.
Pour moi, une partie de l’agonie, c’était de ne pas savoir. Alors j’avais plus ou moins lâché l’espoir en moi.
Et là je vois autour de moi les familles qui n’ont pas lâché un seul instant. Le fiancé de Daniela qui est allé lui crier sa demande en mariage par haut parleur, planté à la frontière de barbelés réparée de Gaza.
Peut-être qu’il pensait que ça allait la ramener. Peut-être qu’il avait raison.
Et je me suis souvenue qu’il s’agit du peuple dont l’hymne national s’appelle l’Espoir.
Un peuple qui n’a pas lâché l’espoir du retour pendant deux mille ans.
Et ça a marché.
Et puis je me souviens du message des amandiers qui refleurissent aujourd’hui.
Alors même si cela reste très difficile, pour ceux comme moi qui ont tendance à opter pour le pessimisme de prudence – ou de protection? –, j’ai décidé de choisir de cultiver l’espoir, pour tous ceux que l’on attend encore.
Même si l’espoir est inéluctablement, comme la foi, un pari.
Même si, comme le rappelle Rachel, la mère de Hersch, que la souffrance a transfiguré en Reine de Sagesse, le fait de croire et de prier ne signifie pas que je m’attends à recevoir ce que je veux.
Croire, et espérer, c’est d’abord se donner.
Alors voilà, aujourd’hui, deuxième jour de Rosh Hodesh Shvat, on a la plupart des petites dehors.
Les femmes et les enfants devaient sortir en premier.
On tremble tous. Car on n’a pas de nouvelles de Shiri et de ses petits rouquins. Des Bibas, le Hamas ne souffle mot…
Mais je vais choisir d’espérer.
Et je vais choisir de continuer à attendre le retour des hommes. Je pense notamment aux jeunes hommes, qui doivent prendre très cher aussi, là-bas. Ceux dont on a, et ceux et dont on n’a pas signe de vie.
Ceux qu’on attend encore, les jumeaux Ziv et Gali, à qui le chanteur Mark Eliyahu avait rendu un hommage émouvant lors de son concert à Jérusalem cet été.
Le blond Omer Shem Tov, qui avait tant soutenu Itai Regev dans sa captivité jusqu’en novembre. Et Sasha, le fiancé de Sapir, que la Russie essaie de faire sortir mais, nous dit-on, il n’est pas assez en bonne santé. Oy.
Mais j’ai dit que je gardais l’espoir. Jusqu’au bout.
Qui seront les prochains, et quand, je ne sais pas encore.
Je les attends.
J’ai écrit ces lignes, et puis je suis allée au magasin bio faire les courses de Shabbat.
Et là, informations de midi, j’ai entendu la radio: Ariel Bibas, Keith Siegel, et Ofer Kalderon vont sortir!
Keith va sortir! Aviva va retrouver ses enfants, et les enfants, leur père!
Ofer va enfin retrouver ses enfants.
Et Ariel, on ne sait pas. Je ne sais pas s’il sait que personne ne l’attendra.
Et on ne sait pas si lui devra continuer à attendre, car on ne sait pas si sa femme et ses enfants sont vivants.
C’est ainsi ici. On remercie pour le doux et pour l’amer. Pour le miel et pour ce qui pique.
Mais j’ai dit que je choisissais de continuer d’espérer. Alors je chante.
1. Littéralement le sens de “rosh hodesh shvat”.
2. L’un des grands décisionnaires halakhiques du temps des Tannaim, entre l’aube et le premier siècle de notre ère.
3. Pour Beit Hillel, ce sera au milieu du mois, tou bi shvat.
4. Le livre de Shemot qui commence par le récit de la sortie d’Égypte, est le deuxième des cinq livres de la Torah que l’on a ouvert il y a deux semaines avec cette période de six semaines de libération progressive de trente-trois otages israéliens.
5. Michlei, Proverbes 3,18.
6. La racine même du mot “mois”, hodesh, n’est autre que le mot hadash, qui signifie “nouveau.” Rosh hodesh Shvat, renouveau du mois, renouveau de l’année, et renouveau des arbres, est un triple renouveau.
7. Un soignant. Beaucoup de personnes âgées en Israël sont accompagnées d’une aide quotidienne, des travailleurs venus seuls, souvent des Philippines ou d’Inde.
8. Psaume 23.
9. Le jour de l’indépendance de l’État en 1948.
10. Reprise de l’un des versets conclusifs de Eisha