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ATTENDRE LE MESSIE

Prenons Vladimir et Estragon, par exemple, qui attendent un certain Godot dans l’espoir qu’il les sauve d’un ennemi imaginaire. Comme Godot tarde à venir, les deux vagabonds entretiennent un dialogue absurde où l’incontinence de parole comble une attente tout aussi insensée. Autre exemple, plus grave cette fois. Dans Le Pavillon des Cancéreux, Soljenitsyne décrit le quotidien de malades incurables dont l’isolement progressif se double d’une acceptation croissante de la mort. Leur colère s’apaise au fil du roman; leur attente devient résignation et silence. Songeons enfin à L’Homme qui dort de Georges Perec, dont l’attente confine à l’inaction totale: « Tu es assis et tu ne veux qu’attendre, attendre seulement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à attendre: que vienne la nuit, que sonnent les heures, que les jours s’en aillent, que les souvenirs s’estompent ».
Que l’on soit loquace, résigné face à la mort ou franchement neurasthénique, chacun doit redoubler d’efforts pour tromper l’attente avant d’en être libéré – ou pas.
Car l’on ne s’y soustrait pas toujours. L’attente n’a parfois d’autre objet et de finalité qu’elle-même. Il est des attentes qui se poursuivent indéfiniment et dont la rupture constitue un contresens absolu. Attardons-nous sur l’un des plus beaux personnages de la littérature française, auquel l’attente d’une voile ennemie inspire ces quelques phrases :
« J’attendais sans me le dire, un signal qui puiserait dans cette attente démesurée la confirmation d’un prodige.

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