Commémoration de la rafle du Vel d’Hiv les 16. et 17 juillet 1942 Et avec ça, il faut porter tête haute.

Alors que se tient cette semaine la commémoration de la Rafle du Vel d’Hiv, Tenou’a vous propose de visionner un film documentaire de Emmanuel Franck. Intitulé “Et avec ça, il faut porter tête haute », ce documentaire est né des témoignages de la mère d’Emmanuel Franck et de ses amis. Emmanuel Franck revient, pour nous, sur la genèse de son film. 
Aussi loin que je me souvienne, à toutes nos réunions, ma famille parlait inlassablement de la Shoah… tout en n’en disant rien !

Je ne compte plus les anecdotes sur la scolarité chaotique ou la vie quotidienne en temps de guerre, révélées par bribes décousues, et dont ma mère et sa fratrie débattaient hardiment à longueur de dimanches après-midis. Comme si réussir à reconstituer le puzzle chronologique de leurs errances d’enfants cachés allait révéler une clé secrète, permettant d’expliquer l’inacceptable. De leurs souvenirs entrelacés de poulbots des Batignolles, passant de famille d’accueil en homes d’enfants, jaillissait cependant quelque chose d’indicible, que je devais identifier beaucoup plus tard comme un parfum de conte Ashkénaze emprunt à la fois de joie et de mélancolie. En symbiose, je ressentais leur vivifiante et poétique légèreté enfantine, entravée jusqu’à l’asphyxie par la question sous-jacente mais omniprésente, et surtout sans réponse, des chances d’un retour à leur vie d’avant ? Une vie paisible, sans cette mortifère menace nazie. Une vie heureuse, tout simplement, avec Papa et Maman. Spectateur de ces souvenirs fragmentés, je recevais sans le savoir l’unique résidu de notre judaïsme familial : la Shoah.

Sara, ma grand-mère, écrivit onze lettres, entre le moment de son arrestation lors de la Rafle du Vel d’Hiv, son emprisonnement au camp de Drancy, et sa déportation et disparition dans l’enfer du centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. Ces lettres étaient adressées à ses sœurs et à Madame Yvette, une jeune Antillaise, travaillant comme dentiste au cabinet de mon Grand-père. Devenue l’amie intime de ma Grand-mère, Madame Yvette sauva puis cacha Maman et sa fratrie, un temps chez elle, puis dans divers établissements en province et en Belgique. Ayant reçu ces lettres grâce à d’anonymes bonnes âmes, Madame Yvette les remit à Maman après la guerre. Il aura fallu de nombreuses décennies à Maman pour finalement ouvrir ces lettres ou même en évoquer l’existence, mais elle le fit néanmoins afin de bâtir le dossier sur la base duquel Madame Yvette fut distinguée du titre de Juste Parmi Les Nations. 

Après la disparition de Madame Yvette, et un long travail qui aboutit à la publication de son témoignage d’Enfant Cachée, Maman entreprit d’intervenir dans des classes de Collèges et Lycées du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine, aux côtés d’un petit groupe d’amis constitué de Survivants de la Shoah, et Filles et Fils de Déportés Résistants, soutenus par l’AFMD. Aujourd’hui, Maman et ceux qui restent de ses amis ne sont plus en mesure d’intervenir. Afin de perpétuer ce travail de transmission de mémoire, j’ai préservé ces témoignages évidemment très émouvants et importants, mais aussi extrêmement spécifiques, dans un film documentaire intitulé “Et avec ça, il faut porter tête haute”, qui sont les derniers mots écrits par Sara avant sa déportation vers Auschwitz. 

“Et avec ça, il faut porter tête haute” est un outil pédagogique exceptionnel à destination des jeunes générations, que nous diffusons à présent dans des collèges et lycées et à la disposition du public et des professeurs qui souhaitent le projeter à leurs élèves. Avec la résurgence des extrêmes en Europe, et l’augmentation record des actes antisémites en France ces dernières années, il n’a jamais été aussi urgent de transmettre directement cette mémoire et son message de paix et d’espoir aux jeunes qui feront la France de demain.

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Réalisé par Emmanuel Franck