Les EEIF et la Shoah

DÉPORTÉS, RÉSISTANTS, SURVIVANTS

Depuis 1923, les Éclaireurs et Éclaireuses Israélites de France prônent, à travers la diffusion des méthodes scoutes et de l’identité juive, les principes d’une éducation du jeune par le jeune. Son histoire entre 1939 et 1945 retrace le parcours de groupes d’enfants et de jeunes cadres confrontés à la guerre, à la persécution et à l’extermination des Juifs. Dans l’expérience EEIF, que reste-t-il, aujourd’hui, d’une histoire marquée par la déportation mais aussi par la résistance et la survie ? De quelle manière l’histoire collective, entre héroïsme et commémoration des morts, se transmet-elle dans les activités pédagogiques, les temps de formation, les séjours d’hiver et d’été. Sur- tout, comment assurer la continuité de la mémoire d’une histoire dont les derniers porteurs s’effacent peu à peu ?

Ces questionnements animent ceux qui, au sein des EEIF, s’efforcent d’élaborer les outils d’une indispensable transmission. Depuis bientôt 10 ans, les EEIF organisent ainsi une conférence-débat avec le Mémorial de la Shoah, à l’initiative de Béatrice Halpern-Boukris, ancienne présidente du Mouvement. À l’occasion du 90e anniversaire la vie, le parcours avant et pendant la guerre et, enfin les conditions de la mort de ces 142 visages. À partir de documents d’archives et de témoignages, les EEIF disposent ainsi d’un outil de transmission unique qui, jusqu’alors, manquait. Document en ligne à consulter à l’adresse suivante : https://www.eeif.org/document/315 ainsi que sur la chaîne Youtube « eeifqg » pour les témoignages de survivants. Une fois par an, l’office « Castor » rappelle le souvenir des membres du Mouvement décédés et la mémoire des disparus pendant la guerre, déportés, résistants. La trans- mission d’un héritage marqué par le sauvetage de jeunes par d’autres jeunes, souvent au prix de leur vie.

MÉMOIRE D’EI, MÉMOIRE DE VIES

Chaque année, à l’issue de la cérémonie officielle du Yom HaShoah et au moment où la lecture des noms des victimes de la Shoah débute au Mémorial de la Shoah, nous accueillons un large public composé de cadres des différents mouvements de jeunesse de la communauté juive, de représentants du Scoutisme français et des différentes obédiences qui le composent. La soirée est ouverte au grand public. Nous saisissons cette occasion pour aborder, à travers la projection d’un film suivi d’un débat, en présence de rescapés et d’historiens, psychanalystes, psychologues, une question au cœur des problématiques de la transmission aujourd’hui. Depuis maintenant cinq ans, une petite équipe (Sarah Funtowiez, Charles Cahoua, Nathanael Chekroun, Charles Tenenbaum) a repris l’organisation annuelle de cette projection-débat. Cette année, nous recevrons Edmond Richemond, enfant caché, passé clandestinement en Suisse par les réseaux EIF. À ses côtés, Simon Maller, réalisateur du documentaire Opa, consacré à l’histoire d’Edmond, ainsi que Nathalie Zajde, Maître de conférences en psychologie, chercheuse et clinicienne, spécialiste de l’accompagnement des « enfants cachés ». Nous accueillerons également, Stéphanie Klein, coauteur, avec Myriam Haziza d’un livre produit avec et par des enfants à partir de l’histoire d’Opa ainsi que Tsipora Heyman, psychologue.

***
L’action des EEIF de 1942 à 1944

À partir de 1942, les Éclaireurs israélites de France constituent leur propre réseau de résistance, prenant le nom de « Sixième », en référence à la 6e section, 4e direction de l’Union Générale des Israélites Français (UGIF) à laquelle appartiennent les Éclaireurs. Les actions de résistance prennent différentes formes, entre planques, fabrication de faux papiers, missions de sauvetages d’enfants et, à partir de 1943, action armée. Sous l’impulsion de Robert Gamzon, fondateur des EIF, le mouvement ouvre des fermes et des maisons d’enfants telles que Lautrec, Moissac, Chambon-sur-Lignon, Jouy-en-Josas, Taluyers, etc. La « Sixième » est placée sous la responsabilité de Marc Haguenau et d’Edith Pulver. Ils sont arrêtés à Grenoble, le 18 février 1944. Marc Haguenau meurt pendant une tentative d’évasion, Edith Pulver meurt en déportation.

À l’instar d’autres organisations juives engagées dans la résistance et le sauvetage, telle que l’Organisation de Secours aux Enfants (OSE), des responsables EIF montent des filières pour héberger des groupes d’enfants juifs et leur faire passer la frontière. D’autres passages sont également organisés vers l’Espagne et la Palestine. Aumônier du Mouvement, Léo est arrêté par les Allemands le 20 mai 1944, alors qu’il dirigeait un groupe de soixante garçons vers l’Espagne. Déporté à Auschwitz en juillet 1944, il meurt quelques jours avant la libération du camp.

Avec le réseau Garel, c’est autour de Georges Loinger, décédé le 28 décembre 2018, mais aussi de sa sœur, Fanny Loinger que s’organisent les passages vers la Suisse. Parties de ballon ou randonnées près de la frontière qui se terminent en franchissements clandestins. Dans ses mémoires, Lia, fille de Robert et Denise Gamzon, décrit ce passage risqué des enfants Gamzon avec leur mère vers la Suisse, sous la conduite de Mila. Le 21 octobre 1943, Mila Racine est arrêtée avec un groupe d’enfants en route vers la frontière suisse. Jean Deffaugt, maire de la ville, parvient à faire libérer les enfants de l’Hôtel Pax, transformé en centre de détention de la Gestapo. Déportée à Ravensbruck et à Mathausen, Mila, 20 ans, meurt lors d’un raid aérien Allié, le 22 mars 1945. À la suite de Mila, Marianne Cohn poursuit les passages d’enfants vers la Suisse. Le 31 mai 1944, elle est arrêtée à 200 mètres de la frontière suisse par une patrouille allemande. À nouveau, Jean Deffaugt, reconnu Juste parmi les nations en 1965, parvient à faire libérer les enfants. Marianne reste emprisonnée. Elle sera assassinée début juillet 1944 par la Gestapo.