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Vie et résurrection

« Un jour, j’écrirai pour toi un long récit, il n’y manquera pas un détail, pas une lumière de bougie, pas une saveur, pas une orange, un long récit de ce que furent les galettes de Pourim à El-Biar, quand j’avais dix ans et que déjà je ne comprenais rien » Jacques Derrida1

Les mots peuvent mourir…
Je le sais depuis que je suis tout petit.

Depuis la période des
« Et toi qu’est-ce que tu fais? »
« Et toi qui es-tu ? »
« Et ça c’est quoi ? »
Un jour je demandai à ma mère quel est le métier de l’oncle Elias.
« Mon frère? Il est écrivain et il enseigne la linguistique, le latin et le grec. »
Et elle baissa le ton et ajouta doucement, comme pour me dévoiler un secret : « Ce sont des langues mortes… »

Si les langues meurent, les mots suivent, sans doute, le même destin.

Et intrigué par cette mort des langues, je demandai à l’oncle Elias combien de langues vivantes il existait encore dans le monde.
Et l’oncle Elias, lui aussi baissa le ton…
« Moins de cinq mille langues vivantes », dit l’oncle Elias.
Il répéta pensif : « Il existe aujourd’hui environ moins de cinq mille langues vivantes ! Et dans cent ans, ajouta-t-il, si rien ne change, la moitié de ces langues aura aussi disparu. »

L’oncle Elias me regarde bien dans les yeux et ajouta :
« Ne sois pas si triste! Je connais au moins une langue qui a ressuscité… 2 »
Un jour, beaucoup plus tard, je demandai à l’oncle Elias pourquoi il enseignait ?

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