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BIENHEUREUX LES DÉPRESSIFS

© Roee Rosen, Double Self Portrait, 2005, Gouache on paper, 38 x 57 cm – Courtesy Rosenfeld Gallery, Tel Aviv

Je suis né dépressif. Sitôt débarqué d’entre les cuisses de ma mère, à la vue du monde qui m’attendait – quoi de plus déprimant qu’une chambre d’hôpital ? Dans sa froideur clinique avec sa propreté maniaque, vous y lisez déjà la liste des emmerdements à venir – j’ai porté mes menottes à mes joues et, la bouche défigurée d’angoisse, j’ai clamé ma volonté d’être rapatrié aussitôt dans le ventre maternel. Pour calmer cette attaque de panique précoce, j’ai eu droit à mon premier biberon au Valium, début d’une très longue série. Depuis ces débuts fanfaronnants, je n’ai jamais cessé de hurler. À dix ans, mon pédiatre m’a déclaré chroniquement dépressif. Il n’avait jamais vu cela : de tout le temps passé à m’ausculter, je ne cessais de me plaindre. Plus tard, je fus responsable du suicide de mon psychiatre qui, las d’entendre en flot continu mes gémissements existentiels, préféra en finir avec la vie. C’est qu’entre-temps, j’avais découvert mon identité juive. Dès lors, j’entrais dans la phase aiguë de ma dépression. Ma vie, la vie en général, n’avait aucun sens et je ne comprenais pas Dieu.

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