Avant, je brodais déjà, mais je ne le savais pas.
Lorsqu’en 2014, le musée Federico-Garcia-Lorca de Grenade m’a proposé une « carte blanche» j’ai abandonné les ordinateurs, les photographies et les peintures pour une technique simple mais lente. Une aiguille, de la toile de chanvre et des écheveaux de laine colorée comme autant de tubes de peinture.
Une technique appropriée à l’itinérance et à l’exil.
Guidé par des ancêtres marranes, j’ai pris la longue route de 1492 et j’ai fait danser mes aiguilles dans des toiles de chanvre.
C’était le mois de mai et, à rebours du bon sens, les tournesols sur ma toile étaient calcinés; des oiseaux et des ânes tombaient des arbres, des rabbins y flottaient comme les linges aux balcons de Jérusalem. Des prostitués et des reines allaient en cortèges, des poètes suivaient enfoncés dans leurs boros; tandis qu’un musicien, las, laissait échapper un air de musique brisé.
Vers cette fresque convergeait toute une population de pantins couturés, fatigués, échoués, en partance, inspirés du Pelele de Goya. Depuis lors, je n’ai plus abandonné les tissus.
Embarquons pour le Japon et ramenons quelques boros.
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