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Ces restes de nous

Pascal Monteil fut un jour un polyartiste digital qui triturait ses photos, les amoncelait, les torturait, mettait en scène, peignait, s’inspirant des arts et des mondes embrassés au gré de voyages jamais réellement achevés. Depuis quelques années, l’ordinateur ne sert plus guère et Pascal Monteil travaille à l’aide de fils, de laine, de pièces de tissus. Il coud, il pique, il noue sur des toiles jamais très vierges pour donner vie à ses exils et ceux de ses pères.

© Pascal Monteil, “La Berlinoise” – www.pascalmonteil.net

Avant, je brodais déjà, mais je ne le savais pas.
Lorsqu’en 2014, le musée Federico-Garcia-Lorca de Grenade m’a proposé une « carte blanche» j’ai abandonné les ordinateurs, les photographies et les peintures pour une technique simple mais lente. Une aiguille, de la toile de chanvre et des écheveaux de laine colorée comme autant de tubes de peinture.
Une technique appropriée à l’itinérance et à l’exil.

Guidé par des ancêtres marranes, j’ai pris la longue route de 1492 et j’ai fait danser mes aiguilles dans des toiles de chanvre.

C’était le mois de mai et, à rebours du bon sens, les tournesols sur ma toile étaient calcinés; des oiseaux et des ânes tombaient des arbres, des rabbins y flottaient comme les linges aux balcons de Jérusalem. Des prostitués et des reines allaient en cortèges, des poètes suivaient enfoncés dans leurs boros; tandis qu’un musicien, las, laissait échapper un air de musique brisé.

Vers cette fresque convergeait toute une population de pantins couturés, fatigués, échoués, en partance, inspirés du Pelele de Goya. Depuis lors, je n’ai plus abandonné les tissus.

© Pascal Monteil, « Jérusalem» – www.pascalmonteil.net

Embarquons pour le Japon et ramenons quelques boros.

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