Contenu réservé aux abonnés

Danny Trom: L’État de l’Exil

Vous pensiez avoir tout lu et tout entendu sur Israël ? Détrompez-vous ! Dans L’État de l’exil, paru en février dernier, le sociologue Danny Trom, directeur de recherche au CNRS, réussit le pari de donner à ses lecteurs de nouvelles clés de compréhension fascinantes sur l’histoire du pays, mais aussi et surtout sur sa situation actuelle et la crise politique qu’il traverse.

Anna Klarsfeld a rencontré Danny Trom.

 

Danny Trom
PUF, 2023, 18 €

ANNA KLARSFELD En quoi la crise politique que traverse actuellement l’État d’Israël procède-t-elle de ce que vous appelez une « hésitation structurelle », fruit de son histoire singulière ?

DANNY TROM La crise actuelle a bien entendu une dimension conjoncturelle, puisque son élément déclencheur a été un projet de réforme précis, porté par un gouvernement reposant sur une coalition par définition temporaire. Mais cette crise a aussi indéniablement une dimension structurelle. Les manifestations qui rassemblent des dizaines de milliers d’Israéliens chaque semaine depuis des mois expriment la tension fondamentale entre des visions opposées de ce que devrait être l’État d’Israël, tension présente depuis les premiers pas de l’État et qui n’a jamais été véritablement résolue car Israël ne s’est jamais doté d’une Constitution, et donc ne s’est jamais vraiment auto-défini.

AK Justement, pourquoi l’État d’Israël ne s’est-il jamais doté de Constitution ?

DT En 1950, la première Knesset [Assemblée israélienne], qui aurait dû être constituante, renonça à donner une Constitution au nouvel État, et transmit cette responsabilité à la deuxième Knesset, « ainsi qu’à la troisième et à toutes les Knesset à venir », remettant ainsi l’acte constituant à un éternel lendemain. Si l’on se penche attentivement sur les débats parlementaires de l’époque, on s’aperçoit que le motif de cette procrastination sans fin est structurel : on argua que l’on ne pouvait légitimement fixer un cadre constitutionnel car la nation était encore en devenir, en attente d’être complétée par de futures vagues migratoires.

Abonnez-vous pour lire cet article

S’abonner en ligne