ENTRETIEN AVEC NICOLAS WEILL
En quoi Israel Yuval et son livre constituent- ils une rupture ?
Yuval appartient, comme Daniel Boyarin et d’autres, à la première génération d’historiens juifs post-Vatican II, qui ont pu étudier, sans pour autant l’évacuer, la relation Juifs-Chrétiens à travers un autre prisme que celui de la persécution, et qui ont été attentifs non pas seulement à la confrontation, à la définition de l’authenticité de l’un par rapport à l’autre mais aussi au dialogue constant et bien plus important que ce qu’il n’y paraissait entre le christianisme et le judaïsme. C’est la première génération à prendre la mesure de l’importance du christianisme dans la construction même du judaïsme. Cette révolution copernicienne dans l’histoire savante du judaïsme n’est plus centrée sur la croyance dans l’autonomie du développement juif mais s’intéresse à la conversation souvent violente quoique constante entre les deux religions. La thèse fondamentale de Yuval est que le judaïsme et le christianisme ne sont pas des religions qui entretiennent un rapport d’ascendance, religion-mère et religion-fille, mais bien plutôt des religions dont les rapports sont ceux de deux religions sœurs qui se sont développées sur un même terreau biblique.
Yuval ajoute que l’essentiel du dialogue est asymétrique, c’est-à-dire que le christianisme, à partir du IVe siècle, influe sur le judaïsme et non le contraire.