Dominique Blanc lit Denise Toros-Marter

Denise Toros-Marter, 16 ans lors de sa déportation
Déportée de Drancy à Auschwitz-Birkenau par le convoi no 74 le 20 mai 1944.

 

Denise Toros-Marter née Marter naît le 16 avril 1928 à Marseille.
Elle est arrêtée à Marseille avec sa mère et son père par des policiers français le 13 avril 1944.
À son arrivée à Auschwitz-Birkenau, elle est sélectionnée pour le travail et est tatouée du numéro A5556. Lors de l’évacuation du camp le 17 janvier 1945, Denise est abandonnée à l’infirmerie. Le camp est « ouvert » par les Soviétiques le  27 janvier. Le 4 juin, après avoir reçu des soins, elle arrive à l’hôtel Lutetia à Paris puis rejoint Marseille où elle retrouve un frère, une tante et une cousine. Elle mène ensuite une vie militante et témoigne à charge au procès de Joseph Mengele.

Extrait de J’avais seize ans à Pitchipoï de Denise Toros-Marter
Éditions Le Manuscrit/Fondation pour la Mémoire de la Shoah, 2008
 

Denise Toros-Marter, née Marter le 16 avril 1928 à Marseille.
Déportée à 16 ans avec sa famille de Drancy à Auschwitz II-Birkenau le 20 mai 1944 par le convoi no 74.
Tatouée du numéro A5556. Abandonnée à l’infirmerie lors de l’évacuation du camp le 17 janvier 1945. 
27 janvier 1945 : le camp est découvert par les Soviétiques. Rapatriée après un séjour en sanatorium, Denise retrouve ses frères à Marseille. En 1973, elle témoigne au procès par contumace de Joseph Mengele puis milite pour la mémoire de la Shoah.

J’ai reçu des nouvelles de mon frère André, qui a réussi à me faire passer une lettre par une déportée travaillant à la Union. Je suis heureuse car, depuis deux mois, à part une lettre de lui et de papa, je ne savais plus rien. J’ai demandé à Mme Cohen de m’aider en lui faisant glisser une réponse. Nous avons décidé de cacher nos missives sous un tas de briques derrière un Block. Le soir venu, je réussis à m’échapper de mon Block et me précipite pour fouiller derrière le tas, espérant y trouver une bonne nouvelle, quand une Kapo polonaise, soupçonnant quelque chose de louche, m’envoie promener à grands coups de pied dans le derrière.

(…)

Nous avons les doigts tellement abîmés par les ciseaux que notre travail s’en trouve forcément ralenti. Nos quinze mètres de tresses terminés, nous les roulons en boule sur la table et attendons le contrôle du responsable de l’atelier. Au petit bonheur, il inspecte, et je réussis chaque fois à passer au travers, car ma boule est roulée d’une façon un peu truquée et paraît plus grosse.

Le SS est un sale type, ivrogne à souhait et sadique au plus haut point : il se délecte à faire passer son chien, un berger allemand, sur les tables. Quand il pénètre dans les baraquements, il sème ainsi la terreur chez les prisonnières. On lui désigne par leur numéro celles qui n’ont pas assez de métrage, et il s’empresse de les punir. Ainsi, cette pauvre vieille Hongroise – elle a tout juste quarante ans ! – est rouée de coups, mise à genoux et, une brique dans chaque main, elle est obligée de tendre les bras jusqu’à ce qu’elle tombe d’épuisement ; et cette vieille charogne de SS qui la nargue avec sadisme !

La journée finie, nous sommes en rang par cinq et avons ainsi une vision sur les fours crématoires avec leurs cheminées couronnées de flammes rouges…

Nous pénétrons dans le camp et passons devant l’orchestre qui joue des musiques entraînantes à la lueur des sinistres torches des crématoires.

(…) Je couche sur les bords de la Coya car c’est plus facile pour sortir la nuit quand je suis prise d’une crise de dysenterie, chose fréquente ici en raison de l’eau, qui est infectée, et de la nourriture, froide. Mes lunettes, ou plutôt ce qu’il en reste, sont mises à l’abri dans la gamelle de Lili.

Peu à peu, à trois avec Maud, nous arrivons à organiser notre vie : nous mettons tout en commun et pouvons ainsi économiser sur certaines choses au profit d’autres. Ainsi le pain, dont nous parvenons à vendre une ration tous les deux jours pour acheter du savon, du miel ou de la pommade antigale, dont nous nous enduisons le corps. En effet, Maud et Lili sont couvertes de gale, et comme je couche à côté d’elles je crains d’être contaminée. C’est très dangereux car beaucoup d’entre nous sont sélectionnées à cause de la gale et envoyées à la chambre à gaz.

Je viens d’acquérir un magnifique soutien-gorge avec des roses brodées. C’est vraiment très excentrique et tellement chic, avec mon pantalon rayé bleu. Mais ce soir, catastrophe : nous allons à l’étuve et, arrivées à la Sauna, nous réunissons nos vêtements pour l’Entlausung, quand un SS nous fait passer dans l’amphithéâtre à coups de cravache. Je ne sais pas où sont mes amies et je me sens mal à l’aise. Le médecin-chef Mengele est là, accompagné de trois ou quatre SS. C’est la « sélection » ! Le triage ! Cela ressemble étrangement à un marché d’esclaves ! Une camarade derrière moi se fait mettre de côté car elle a de l’œdème aux jambes, une autre est également sélectionnée en raison de sa maigreur extrême. Moi je passe, et la douche subie, les frusques passées, je cherche Maud. Je la trouve enfin, dans les rangs tumultueux où règne encore l’angoisse de la sélection et de la douche. Lili nous rejoint, et notre troupe s’achemine vers nos « pénates ».

Pour nous tout va bien, mais une jeune Polonaise pleure sa sœur, une autre sa mère. Quel spectacle déchirant !

Notre Coya n’est pas au complet : la vieille Italienne et sa compagne manquent. Enfin les voici ! La vieille femme en a réchappé grâce à la complicité de la Stubova, qui l’a dissimulée derrière le charbon. Enfin, espérons ! En attendant la prochaine sélection !

Retrouvez toutes les lectures d’extraits de la collection « Témoignages de la Shoah » ainsi que les autres articles de ce hors-série.

Daniel Kenigsberg lit Julien Unger

Julien Unger

Déporté le 20 novembre 1943 par le convoi no 62 de Drancy à Auschwitz-Birkenau.

 

Transféré en octobre au camp de Stuthof puis en novembre dans un camp satellite de Natzweiler-Struthof. En janvier 1945, transféré au camp d’Ohrdruf dépendant de celui de Buchenwald. Evacué au camp de Kravinkel et travail dans les galeries souterraines de Dora. Évite la marche de la mort en raison de son état de santé : amené en camion à Buchenwald. Libéré le 11 avril 1945. Retour en France un mois plus tard.

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