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ÉDITO : L’ART DU « KVETCH »

L’édito du rabbin Delphine Horvilleur.

Trois mères juives discutent assises sur un banc. L’une soupire Oy! et l’autre répond Oy Vey ! La troisième fustige alors les deux premières: « On avait dit qu’on ne parlait pas des enfants ! »
Nombreuses sont les blagues juives qui évoquent l’inquiétude, l’appréhension ou la souffrance. Le yiddish appelle cela l’art du kvetch (« la plainte ») et possède un vocabulaire intensément riche en expressions qui disent la peine ou l’inconfort, le mal-être physique ou mental, le souci pour soi et pour l’autre.

Faut-il y voir la trace sémantique laissée par une histoire juive douloureuse ? Est-ce le signe d’une culture hypersensible à la souffrance du monde ? ou s’agit- il d’un réflexe superstitieux, une façon de conjurer le sort dans une litanie plaintive et d’affirmer que, non, tout ne va pas si bien, de peur que l’autosatisfaction n’attire à soi le « mauvais œil » ?

Neurologues et biologistes croient aujourd’hui que nous naissons avec une sensibilité particulière à la douleur des autres. Il s’agirait là d’un instinct partagé par tous les nourrissons du monde. Lorsqu’un bébé en entend d’autres pleurer, il fait de même, comme s’il était contaminé par la tristesse ou la détresse. Les scientifiques appellent cela la « contagion émotionnelle ».

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