Certains textes, trop lus ou jugés ennuyeux avant même d’être lus, sont victimes de leur importance. C’est le cas de pas mal de textes « sacrés » et les religieux eux-mêmes n’aident d’ailleurs pas forcément à ce que l’on considère autrement leur héritage. Prenez le Cantique des Cantiques. Son titre d’abord. Un cantique, c’est un chant d’église, alors que l’hébreu dit simplement : shir hashirim, « le chant des chants ». Et puis, au-delà de ce titre, on dirait que toute l’histoire de son exégèse est celle d’une guerre menée par les orthodoxies de tout poil contre son sens littéral, ses mots et ses respirations, sa chair.
La dernière bataille en date fut livrée par la maison d’édition américaine Artscroll. On connaît son travail très utile pour les apprentis talmudistes mais il faut croire que la Bible est une autre affaire, car plutôt que de faire le même travail pour ce pauvre Cantique des Cantiques, nos aimables bigots nous en ont livré une « traduction allégorique » où les seins de l’aimée, pour ne citer qu’une grotesquerie parmi d’autres, deviennent les Tables de la Loi.
La lettre de Shir haShirim effraie les religieux : il faut donc, plus que jamais, en ces temps où le fondamentalisme fait rage, y revenir.
Abonnez-vous pour lire cet article