Selon ses propres représentations, l’islam marque, dans le milieu qui l’a vu naître, une rupture radicale. Il vient se greffer avec succès dans la péninsule arabique dans un contexte que l’historiographie musulmane qualifie invariablement de Jâhiliyya — « l’ère de l’ignorance » — au sein de populations « sans foi, ni loi ». Ce tableau apologétique de l’histoire qui fait de l’islam un facteur de progrès civilisationnel est bien loin de ce que nous savons des sociétés pré-islamiques lorsque l’on se fonde sur des sources non-musulmanes et des données révélées par l’archéologie et la paléographie. En réalité, la péninsule arabe pré-islamique est un univers complexe et riche sur tous les plans – théologico-politique, spirituel et artistique – : s’y côtoient de manière peu ou prou pacifique différentes formes de polythéismes « régionaux » dont les panthéons diffèrent, le christianisme et le judaïsme qui représentent le monothéisme abrahamique. L’islam est né dans ce contexte et il n’en est évidemment pas resté vierge d’influences. Dans la mesure où le Coran lui-même s’inscrit explicitement dans la tradition monothéiste abrahamique dont il vient « confirmer » les livres révélés, il n’est pas étonnant d’y trouver des influences bibliques revisitées. Il convient à cet égard de signaler une littérature très ancienne dite « des isrâ’iliyyât » (littéralement « les choses israélites ») dont l’une des fonctions, la principale, était de compléter les informations coraniques souvent très lacunaires concernant les figures et les thèmes bibliques.
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