LA LETTRE BARRÉE

En 2015, Rachel Panczer, responsable de l’Association pour la mémoire des enfants juifs déportés du 8e arrondissement de Paris, prend contact avec notre association. Elle souhaite que Yad Layeled France s’associe à la conception d’une exposition en hommage aux vingt-deux enfants juifs déportés qui habitaient le 8e ou fréquentaient ses écoles.

Rachel a déjà réuni de nombreux documents qui rendent compte de la courte vie de ces enfants. Pour ceux dont nous n’avons pas la photographie, nous décidons de reproduire leur fiche d’internement à Beaune-la-Rolande ou à Drancy, ou les registres des écoles dans lesquels nous retrouvons leurs traces.

Rachel possède le numéro de téléphone d’une personne susceptible de nous communiquer une photographie, mais le numéro n’est plus attribué et ses efforts pour la retrouver restent vains. Il s’agit du frère survivant d’un bébé déporté dans le convoi 63, une petite fille née en mai 1943 et internée à l’hôpital Rothschild avec sa mère, avant leur déportation en décembre 1943.

Cette histoire résonne fortement avec une lecture faite peu de temps auparavant. Dans Sur la scène intérieure. Faits, Marcel Cohen raconte l’histoire de sa mère et de sa petite sœur Monique, dont il n’existe aucune photographie. Je contacte Marcel Cohen, qui a toujours pensé avoir habité dans le 17e : « Nous étions plutôt tournés vers la place de Clichy ». Nous découvrons ensemble qu’avant de devenir un enfant caché, il habitait bien le 8e ; le boulevard des Batignolles constitue la limite commune à ces deux arrondissements. Au Mémorial de la Shoah, nous trouvons la fiche d’internement à Drancy de la mère et de la soeur de Marcel. Cécile Lauvergeon, l’archiviste du Mémorial, m’explique que les autorités allemandes ne déportant pas les enfants de moins de six mois, la lettre barrée sur cette fiche indique que l’enfant a atteint cet âge.

Je ne sais pas comment dire à Marcel Cohen que cette simple correction sur ce document confirme que Monique est devenue « déportable ».

En mai 2016, l’exposition « Sur les traces des enfants déportés du 8e arrondissement » est inaugurée à la mairie du 8e, en présence des élèves du lycée Racine et de Marcel Cohen.

Le 27 septembre 2019, grâce à la ténacité de Rachel Panczer, une stèle en mémoire des tout-petits enfants non scolarisés morts en déportation est inaugurée dans le jardin Tereska Torrès-Levin. On peut y lire le nom de Monique Cohen.

  • Marcel Cohen

Monique Cohen – “JE N’AI PAS LE MOINDRE SOUVENIR De l’AVOIR VUe”

De MONIQUE COHEN, nous n’avons presque aucun élément, pas de photographie, pas de récit, si ce n’est celui écrit par son frère Marcel que nous reproduisons ici avec son amicale autorisation. Monique n’avait pas 6 mois lorsqu’elle a été arrêtée et internée à Drancy. Patiemment, l’administration attendit qu’elle atteigne l’âge légal puis elle fut déportée à l’âge de 7 mois et 3 jours vers Auschwitz-Birkenau où elle fut assassinée.

5 min. de lecture