Avec “Joann Sfar, la vie dessinée”, le mahJ présente la première rétrospective consacrée à l’auteur et dessinateur du Chat du Rabbin. Grâce à près de 250 dessins et planches inédites, ainsi que des carnets, films et photographies, le visiteur navigue dans l’œuvre de Joann Sfar, au plus proche de son imaginaire et de ses engagements. Une exposition à voir jusqu’au 12 mai 2024 au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.
Comment comprendre l’œuvre du dessinateur sans s’intéresser au vide qui marque son enfance? Né en 1971, Joann Sfar a grandi au bord de la Méditerranée, à Nice, dans une ville qui fut celle de ses maîtres, Joseph Kessel et Romain Gary. Avec Scènes d’enfance en Super 8, de la naissance à la bar-mitsva, un petit film tiré de ses archives personnelles, le mahJ dévoile des images inédites de ces premières années. Née d’un père séférade originaire de Sétif et d’une mère ashkénaze, la vie du jeune garçon bascule à l’âge trois ans lorsqu’il perd sa mère. Un événement dont il ne comprend pas tout de suite le sens, son père lui annonçant : “Ta maman est partie en voyage”. Le dessinateur explore ce vide, dans “Les Idolâtres”, un album autobiographique à paraître en janvier 2024. Dans “La Synagogue” (Dargaud, 2022), il donnait déjà vie à cette enfance juive avec humour et poésie.
L’exposition du mahJ dévoile une œuvre où le cinéma et la musique occupent une place centrale. Joann Sfar a réalisé son premier film en 2010 : Gainsbourg, vie héroïque est couronné de succès avec le César du meilleur premier film l’année suivante. Le dessinateur est aussi un admirateur de Georges Brassens, à qui il a rendu hommage dans une exposition à la Cité de la musique en 2011. Mais ce qui interpelle le plus, c’est la diversité des thèmes abordés au fil des années. Les chants du Klezmer, la figure du Golem, Romain Gary, Chagall… le crayon de Joann Sfar se pose partout ! Avec Pascin, paru en 2000, l’auteur retrace la vie de Julius Pincas, un dessinateur-peintre juif bulgare vivant à Montparnasse au début du XXe siècle. On y croise Chagall et Soutine, dans des dessins teintés d’érotisme.
Joann Sfar dessine la vie juive dans toutes ses composantes, à la fois légères et dramatiques. Le mahJ consacre une large partie de l’exposition au Chat du Rabbin, dont les 12 tomes publiés chez Dargaud ont passionné plusieurs générations. Les aventures de ce chat d’Alger, amoureux de Zlabya, la fille du rabbin, se mêlent à des questions plus profondes sur les relations entre les communautés, la religion et le vivre-ensemble. Car derrière l’apparente légèreté de certains dessins, la question de l’antisémitisme est une composante de son oeuvre. Un sujet dont il s’empare régulièrement sur son compte Instagram, comme en témoignent ces dessins publiés après l’attaque du 7 octobre dernier en Israël.
Au cours de notre visite, la silhouette (bien réelle!) du dessinateur apparaît. Que ressent-il devant toutes ces planches, réunies sous le toit du Mahj? “Je n’ai pas le trac. J’ai le trac quand je sors un livre, là je suis au contraire assez rassuré.” Il ajoute : “Le commissaire de l’exposition, Thomas Ragon, a été mon éditeur pendant toutes ces années”. Une complicité ressentie au fil de l’exposition – et qui nous a permis pendant près d’une heure d’oublier la violence de ce mois d’octobre 2023.
L’exposition « Joann Sfar. La vie dessinée » se tient au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme,
71 rue du Temple, 75003 Paris, jusqu’au 12 mai 2024.
Billetterie en ligne et horaires sur le site du mahJ.