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Le spectre du retour au ghetto

Conversation

© Zamir Shatz, A Forgotten Childhood, 2023, oil on cotton, 40×30 cm
Courtesy of the artist and Rosenfeld Gallery, Tel Aviv

Anna Klarsfeld Joann Sfar a très justement écrit dans l’un de ses derniers dessins que le fait de demander “Comment ça va ?” était devenu une nouvelle blague juive, tant cette question, si banale d’habitude, semble désormais dérisoire. Je ne vais donc pas vous demander comment ça va, mais plutôt : qu’est-ce que vous ressentez ? À quoi pensez-vous en ce moment ?

Delphine Horvilleur Ce qui domine, pour moi comme pour beaucoup d’autres je crois, c’est le sentiment que notre solitude s’est renforcée de façon exponentielle. L’impression désespérante que, tout à coup, des gens qui étaient nos alliés ne sont plus du tout là, et qu’en revanche nous entourent des gens dont on ne voudrait pourtant pas être proches – à l’extrême droite par exemple. Il y a quelque chose de très démoralisant dans ce sentiment que nous sommes de retour au ghetto, en particulier pour tous ceux qui, comme moi, ont œuvré ces dernières années pour faire du judaïsme un « non-ghetto », une pensée ouverte sur le monde ; pour créer des ponts, partager la sagesse juive avec générosité et être dans des luttes croisées avec tous ceux qui ont un souci de justice et d’égalité.

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