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L’inquiétante étrangeté d’un peuple sans adresse

Autour du concept freudien de « unheimlich »

Une remarque ambiguë, une blague douteuse, un regard en biais, et tout à coup l’angoisse survient: on ne se sent plus tout à fait chez soi, plus tout à fait à sa place, plus tout à fait à la maison. Avez-vous déjà éprouvé cette brusque sensation d’étrangeté ? Chez moi, elle ressurgit de temps à autre, de façon plus ou moins intense et plus ou moins durable, comme un bourdonnement, habituellement en sourdine, qui retentirait soudain de façon tonitruante. 

Cette sensation peut être rapprochée de la notion freudienne d’unheimlich, le plus souvent traduite en français par l’expression d’inquiétante étrangeté, qui désigne le malaise que l’on ressent face à une rupture dans la normalité rassurante du quotidien. L’exemple typiquement utilisé est celui des statues de cire: en les regardant, pour peu qu’elles soient réussies, on songe intuitivement qu’elles devraient s’animer; et pourtant elles restent là, bêtement inertes et nous laissant étrangement troublés. 

Pour mieux comprendre les ressorts de ce phénomène, un détour par l’étymologie s’impose. Le terme de heimlich vient du radical allemand heim, qui signifie le foyer, la maison (l’équivalent de home en anglais), mais qui, paradoxalement, renvoie aussi à l’idée de secret (Geheimnis).

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