Le Lab Otages: les murs de l’espoir à Tel Aviv

Tout a commencé le 13 novembre dernier par une collaboration entre l’ONG Free our Kids, dont le travail sensibilise l’opinion internationale au sort des 38 enfants israéliens enlevés par le Hamas le 7 octobre, et l’artiste israélien Yam Ben Adiva (Yambo), fondateur de Yambo studio. 

Ensemble, ils ont appelé sur Instagram les artistes israéliens à saisir leurs pinceaux et à créer ensemble une galerie de street art en hommage aux enfants otages, grâce à la générosité de Kobi, propriétaire de l’usine de farine Israeli Flour Mills, qui a prêté les murs extérieurs de son usine dans le quartier de Florentine au sud de Tel Aviv et a offert les peintures et pinceaux. 

Ensuite, tout s’est fait très vite. Des volontaires ont peint une sous-couche blanche sur les murs, tandis que Yam organisait sa troupe d’artistes. Il a divisé et réparti l’espace, choisi les couleurs des peintures pour donner une impression d’unité, a organisé la répartition des enfants entre les artistes et, pour certains, il a fait le lien avec les familles des enfants. Selon Yam,  “La connexion entre les artistes et les familles a été un moment difficile pour tous, mais c’est ce qui a permis de donner du sens à notre travail. Nous voulions que nos représentations soient justes, qu’elles collent à la réalité”. 

Le 16 novembre, la quarantaine d’artistes se sont réunis dès 8 heures du matin à Florentine (rues Alfasi et Rabenu Hananel), accompagnés de volontaires de l’ONG Free our Kids et, pour certains, de leurs familles. Rapidement, ils ont été rejoints par d’autres bénévoles, dont des passants émus par l’initiative, pour les aider à appliquer les larges pans de couleurs sur les murs (dont certains font jusqu’à 3 mètres), ou pour remplir les formes une fois les limites définies par les artistes. Quelques photographes étaient présents pour documenter cet effort collectif. 

“Des restaurateurs voisins ont apporté du café, du hummus et des sandwichs, et le moment est devenu presque convivial, même si l’atmosphère était studieuse et lourde, bien entendu. Nous voulions terminer au plus vite pour que les familles puissent voir nos hommages et garder espoir”, confie l’artiste Paul Rozenboim. Les familles des otages sont venues accompagner les artistes et l’émotion partagée a aidé certains à peindre jusque tard dans la nuit. 

Paul Rozenboim a représenté Ohad Zichri Munder, 9 ans [libéré le 24 novembre avec sa mère Keren et sa grand-mère Ruti], auquel il s’est senti connecté car ils partagent un côté “intello-geek” et une passion du foot. Dans la peinture de Paul, Ohad sourit, assis au sommet d’une pile de Rubik’s cubes (qu’il possède réellement chez lui). Par cette œuvre, Paul Rozenboim a voulu transmettre l’espoir de voir Ohad revenir au plus vite et retrouver sa collection de jouets. Pendant qu’il peignait, le père d’Ohad est venu voir le mur de son fils, et ils se sont étreints devant le mur coloré. “C’était à la fois fort et surréaliste”, conclut Paul.  

L’artiste Alon Bonder a dédié sa création murale à Aviv Asher, 2 ans et demi, enlevé le 7 octobre avec sa sœur Raz et leur mère Doron [toutes trois libérés le 24 novembre]. Il a choisi de peindre des formes abstraites et colorées pour “figurer des dessins d’enfants, d’un trait naïf et optimiste.” Sur le mur de l’usine, les formes semblent être empilées dans le désordre d’une chambre d’enfant figurative, comme dans l’attente “qu’Aviv revienne jouer avec ses cubes”. 

Stav Assis a rendu hommage à Ariel Bibes, 4 ans, enlevé avec son petit frère Kfir (9 mois au moment de son enlèvement) et leur mère. Elle a peint le petit garçon roux, dans un style épuré et enfantin, poussant une petite brouette sur laquelle est posée une colombe. La sentence “Ariel will never be the same again” se distingue en lettres blanches sur le fond noir de l’oeuvre tricolore. 

L’artiste Thales a peint pour Liam Or une torche en feu qui semble lutter pour trouver son chemin entre les lettres sur fond noir qui forment la prière “Let there be light” [Que la lumière soit]], l’artiste rendant hommage au nom de famille de Liam qui signifie “lumière” en hébreu. La main prisonnière des lettres mais s’efforçant d’échapper à l’obscurité reflète les efforts et la résilience nécessaires au retour de Liam et des autres enfants. 

Nitzotz Saranga a, quant à elle, représenté Emilia Aloni, 5 ans [libérée le 24 novembre avec son père Daniel], dans une création intitulée The Missing Peace, jouant sur l’homophonie en anglais peace/piece : paix et pièce. Sa famille décrit Emilia comme un rayon de soleil qui aime cuisiner, danser, faire des puzzles et se déguiser en licorne. L’artiste a peint tous ses centres d’intérêt sur un fond rose bonbon, mais, au centre de son portrait, il a laissé à l’endroit de son visage le mur brut, vide et sans couleur. Selon Nitzotz: “The Missing Peace est une représentation presque complète d’Emilia – avec une seule pièce manquante: Emilia elle-même.” 

Le vendredi 17 au matin, la galerie était prête et déjà inaugurée par les passants. 
Paz et Ori, 25 ans, sont venues toutes les deux rendre hommage aux otages dont elles connaissent certaines des familles. Elles se sont recueillies devant chacune des œuvres en silence, prenant des photos. “On marche et on regarde les représentations des enfants sur les murs, et la rue et les œuvres n’en finissent pas. Cela fait déjà si longtemps qu’on les attend tous.” 

Les jours passent et les spectateurs affluent, certains par hasard et d’autres car ils ont entendu parler de l’œuvre collective. Une semaine plus tard, des guides de tours street art expliquent les productions à des touristes. Selon Noa, “cette galerie-mémorial est triste, mais elle n’est pas porteuse d’angoisses. On ressent au contraire l’espoir du retour des enfants”. Pour certains de ces enfants, du moins, les rares bonnes nouvelles des derniers jours montrent que cet espoir n’était pas vain.

Comme le veut la tradition de l’art urbain, depuis le 17 novembre une demi-douzaine d’artistes ont voulu ajouter leur touche à la galerie hétéroclite, comme Or et Elad: “On voulait participer, c’est le moins que l’on puisse faire”. 

Une œuvre à été ajoutée plus loin dans la rue en hommage aux mères des enfants otages, une autre pour le bébé né en captivité. Selon Yam: “Maintenant les murs vivent leur propre vie, celle de la rue”. Les nouveaux arrivants respectent les couleurs et l’unité du lieu et ajoutent leur style personnel, tantôt figuratif, réaliste ou épuré à la galerie des hommages. 

Le 24 novembre, certains des enfants ont été relâchés après plus de 50 jours de captivité mais, pour les autres, les Murs de l’Espoir continuent de remplir leur rôle: celui de se tenir droits et colorés, et de crier au monde l’espoir du retour des enfants otages au plus vite.

Liste des artistes
Tant (BCF), Brother Of Light, Tom Melnick, Manyearsago, Dima Korma, Elfassi, Neil Cohen, Yambo, Always Never, Eden Kalif, Alon Bonder, Alon Braier, Eli Magaziner, Boaz Untay, Dana Nechmad, Eyal Tao-b3, Roni Fahima, Gur Margalit, Yuval, Katz, Maayan Bachar, Paul Rozenboim, Nitzotz Saranga, Eitan Cohen, Shahar Levy, Dana Brenner, Thales, Idan Zakai, Stav Assis, Task (Nadav Katz), Gal Vardi, Adi Ayali, Dana Herman, Eli Babajanov, Tomer Tal Zajonce, Yuval Daniel, Ori ease, Neta Cohen et Tamara

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Voici les noms des enfants otages à Gaza (nous actualisons la liste en fonction des libérations au compte-goutte).

Enfants otages depuis le 7 octobre
Ariel Bibas (4 ans), Kfir Bibas (9 mois au moment de son enlèvement), Ruth Perez-Cohen (17 ans), et probablement un bébé né en captivité.

Enfants libérés le 24 novembre
Emilia Aloni (5 ans), Aviv Katz-Asher (2 ans), Raz Katz-Asher (4 ans), Ohad Zichri-Munder (a eu 9 ans en captivité)

Enfants libérés le 25 novembre
Noam Avigdori (12 ans), Emily Hand (9 ans), Alma Or (13 ans), Noam Or (17 ans), Hila Rotem (13 ans), Nave Shoham (8 ans), Yahel Shoham (3 ans), Noga Weiss (18 ans)

Enfants libérés le 26 novembre
Ofri Brodetz (a eu 10 ans en captivité), Oriya Brodetz (4 ans), Yuval Brodetz (9 ans), Agam Goldstein-Almog (17 ans), Gal Goldstein-Almog (11 ans), Tal Goldstein-Almog (9 ans), Avigail Idan (a eu 4 ans le 24 novembre), Dafna Elyakim (15 ans), Ella Elyakim (8 ans)

Enfants libérés le 27 novembre
Erez Calderon (12 ans), Sahar Calderon (16 ans), Emma Cunio (3 ans), Yuli Cunio (3 ans), Mika Engel (18 ans), Yuval Engel (11 ans), Or Yaakov (16 ans), Yagil Yaakov (12 ans), Eitan Yahalomi (12 ans)

Enfant libérée le 28 novembre
Mia Lemberg (17 ans)

Enfant libérée le 29 novembre
Ofir Engel (a eu 18 ans en captivité), Liam Or (18 ans), Amit Shani (a eu 16 ans en captivité), Gali Tarshansky (13 ans)

Enfant libérée le 30 novembre
Aisha Alziedana (17 ans)

ASD