Tout est permis (ou presque)

On trouve, dans le Talmud, une petite anecdote : une femme vient chercher conseil auprès de son rabbin : « J’ai dressé une belle table pour mon mari, dit-elle, et lui, il l’a retournée ». « Que puis-je dire? répond le rabbin, tu lui es permise ».

Fondamentalement, cette histoire aborde la question : quels actes sexuels sont-ils permis au sein d’un couple marié? Une certaine pudeur empêchait nos Sages de parler crûment de sujets aussi privés ; ils leur préféraient la métaphore culinaire. L’activité sexuelle entre mari et femme est un banquet, suggèrent-ils, et au menu, on trouve de tout.

La fugacité de l’échange entre cette femme et son rabbin illustre la difficulté, pour chacun de nous, de savoir si le type de sexualité que nous pratiquons au sein d’un couple juif marié est considéré comme « normal » ou « autorisé ». C’est précisément parce que de tels actes sont (et devraient être) privés, que nous sommes vulnérables à l’idée d’en parler et que nous sommes embarrassés lorsque nous ou notre partenaire explorons des choses un peu nouvelles, un peu différentes de ce qui est habituellement « au menu ».

Imaginez : une femme et son époux ont une relation sexuelle mais, plutôt que d’utiliser la position du missionnaire, le mari – avec l’accord de sa femme – tente une nouvelle position. Il « retourne » la routine habituelle. Bien que l’épouse ait apprécié le moment, elle n’est pas certaine que tout ceci soit bien « normal ». Alors elle se tourne vers son rabbin, non sans porter sur son mari la responsabilité de l’initiative de cet acte. La réponse du rabbin normalise une infinitude de pratiques sexuelles entre mari et femme. Cela peut surprendre mais les Rabbins reconnaissent une vaste diversité d’activités sexuelles que peuvent pratiquer – en général légitimement – les couples mariés. C’est peut-être du Rambam que nous vient la vision la plus synthétique de cette question : « Une épouse est permise à son mari ; donc tout ce qu’un homme souhaite faire à son épouse, il le fait » (Mishné Torah, Issurei Biah 21:9). Ces actes autorisés incluent la stimulation orale de quelque organe ou membre que ce soit ainsi que les rapports anaux (à condition, dans tous les cas, qu’ils soient pratiqués par le mari sur sa femme).

Cependant, le Rambam précise aussi que « la voie de la piété veut qu’un homme n’agisse pas avec frivolité » lorsqu’il s’agit de sexualité, mais plutôt qu’il « se sanctifie » lors de rapports sexuels de quelque nature que ce soit.

Il serait sexy de prétendre que le judaïsme rabbinique est la religion la plus favorable au sexe de la panoplie judéo-chrétienne, mais ce serait une simplification excessive.

Les textes de la tradition juive traitant du sexe et de la sexualité ne peuvent être facilement résumés ; ils exposent un vaste éventail d’attitudes quant au sens et à la place du sexe dans la vie humaine. Fondamentalement, la sexualité joue un rôle important dans la vie maritale et pas uniquement pour la reproduction. D’ailleurs, parmi les promesses auxquelles s’engage l’époux juif, il y a celle d’offrir à sa partenaire l’opportunité de plaisirs sexuels.

Les enseignements talmudiques sur le sexe s’étendent sur toute la gamme : des plus permissives aux plus restrictives, de l’exaltation à la prudence. La tradition juive considère la sexualité conjugale comme une activité magnifique, puissante voire dangereuse et, idéalement, sacrée, une activité qui demande une intentionnalité et une attention particulières.