1914-1918 : Les Juifs dans la tourmente

 

L’historien Gérard Silvain publie un nouvel ouvrage qui, à l’aide de cartes postales, permet de comprendre la situation des juifs européens pendant la Première guerre mondiale.

De Gérard Silvain
Berg International, publication en novembre 2014, préface de Guy Konopnicki

Gérard Silvain a déjà publié une dizaine d’ouvrages sur l’histoire de la diaspora juive, en se passionnant notamment, entre sociologie, ethnographie et histoire, pour un média peu considéré et pourtant d’une richesse inouïe : la carte postale.

Cet automne, il publie un riche recueil de cartes postales concernant l’histoire des juifs au cours de la première guerre mondiale. Préfacé par Guy Konopnicki, l’ouvrage déroule la chronologie de la guerre pour ouvrir sur une seconde partie : de 1918 à 1933, où la carte postale témoigne de ce que les conséquences de la Grande guerre préfigurent l’arrivée du nazisme et la Shoah.

Entre propagande guerrière et patriotique, antisémitisme et folklorisme, on découvre les relations d’un monde juif dont la complexité a été anéantie par la monstruosité de la Shoah. On sera surpris de découvrir comment, dès 1915, Jabotinsky et Trumpeldor se réunissent pour pen- ser ce qui deviendra la future armée de l’État des juifs. On sera plus étonné encore de découvrir la fraternisation entre les soldats allemands et les juifs de l’Est, si soulagés de ne plus vivre sous la coupe des troupes tsaristes.

Dans sa préface, Guy Konopnicki rappelle qu’à cette époque, “la carte postale est installée dans la société à la place aujourd’hui occupée par internet et ses réseaux sociaux”. Par ces cartes, on découvre, écrit-il que “les juifs allemands portaient fièrement le casque à pointe et ils marchaient sous l’aigle impérial avec autant d’enthousiasme que leurs coreligionnaires français”.

Gérard Silvain accompagne chaque carte d’une légende précise et didactique, donnant ainsi corps à une histoire largement ignorée, celle des juifs dans la Première guerre mon- diale. Grâce à lui, écrit encore Konopnicki, “les cartes postales nous mènent de l’in- souciance des premiers jours à l’effroi des lendemains. Retrouvant leur fonction, elles nous transmettent le message des premières générations sacrifiées.”

DECEMBRE 1914
ALEXANDRIE.

Dès le mois de décembre 1914, le simple soldat de l’armée britannique Zeev Vladimir Jabotinski rejoint à Alexandrie l’ancien officier de l’armée du tsar Yosef Trumpeldor. Les deux leaders sionistes rêvent de créer une force juive qui prendrait part à la conquête par les Anglais de la Palestine otto- mane. Ils commencent alors à recruter des volon- taires juifs en vue de constituer une unité combattante autonome. Dans le même temps, ils tentent de persuader les Anglais du bien-fondé de leur entreprise.

DECEMBRE 1914
ALEXANDRIE.

Dès le mois de décembre 1914, le simple soldat de l’armée britannique Zeev Vladimir Jabotinski rejoint à Alexandrie l’ancien officier de l’armée du tsar Yosef Trumpeldor. Les deux leaders sionistes rêvent de créer une force juive qui prendrait part à la conquête par les Anglais de la Palestine otto- mane. Ils commencent alors à recruter des volon- taires juifs en vue de constituer une unité combattante autonome. Dans le même temps, ils tentent de persuader les Anglais du bien-fondé de leur entreprise.

8 AVRIL 1916
QUELQUE PART EN GALICIE

Carte de vœux de Pessah envoyée le 9 avril 1916 d’un hôpital de campagne en Galicie par un soldat de l’armée alle- mande qui signe « Moise » à un certain Samuel Levy à Hochfelden en Alsace. La carte qu’a choisie l’expéditeur est inté- ressante par les symboles qu’elle repré- sente. L’illustrateur a placé au-dessus des participants au repas familial du Seder, dont deux militaires de l’armée austro-hongroise, non pas le traditionnel tableau religieux mais les portraits des empereurs Guillaume II et François- Joseph. Témoignage significatif du patriotisme des juifs de l’empire.

FIN AOUT 1915
BIALA

Après la bataille de Varsovie qui voit la retraite des armées russes, les troupes allemandes réoccupent une partie du ter- ritoire polonais. À Biala, à la fin du mois d’août 1915, les juifs respirent à nouveau. Dans la rue, les enfants du ghetto se comportent sans crainte avec la puis- sance occupante. Des affiches de pro- pagande en yiddish sont placardées dans de nombreux shtetl : « Les armées héroïques des grandes puissances, l’Al- lemagne et l’Autriche-Hongrie, sont en Pologne et elles vont, avec l’aide de Dieu, régler les comptes à vos oppresseurs bourreaux ».

30 SEPTEMBRE 1914
MAZURIE. FRONT DE L’EST

Les 28 et 29 septembre 1914, un ordre émanant de Guillaume II autorise tous les militaires de confession juive à célébrer la fête de kippour sur l’ensemble du front. C’est l’aumônier de la 8e armée alle- mande du général Hermann von Eich- horn, le rabbin Jakob Sonderling, philosophe spécialiste de Kant, qui officie ce jour-là dans la région polonaise des lacs Mazures. Depuis le début du conflit, 96000 juifs, dont 10000 volontaires, sont mobilisés dans l’armée du Kaiser.