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Dans les coutures du temps

© Paula Kovarik, “Worry”, 41×31 – www.paulakovarik.com

IL EST 20 HEURES, NOUS ALLONS BIENTÔT ENTRER EN SCÈNE.
À côté de moi, le pianiste fredonne les premières mesures, sorte de grand bâillement de clarinette, cet instrument à la fois si juif et si classique. Ce soir nous jouons Rhapsody in blue, de George Gershwin…

Rhapsody…
J’aime ce mot au son étrange.

Du grec ancien ῥάπτω, « coudre », une « Rhapsodia » est à l’origine l’œuvre d’un Rhapsode ou Aède, sorte de barde itinérant qui, dans l’Antiquité grecque, déclamait des poèmes épiques. Entre improvisation – tradition orale oblige – et assemblage de légendes, la Rhapsodie se joue dans les coutures du texte. Je m’apprête donc, ce soir, avec mon compère pianiste, à me faire tailleur de shmattes1 musical.

Mais finalement, tout art n’est-il pas un peu l’art du shmattes ?
Combien de compositeurs ont passé leur vie à écrire des miettes de musique pour les laisser de côté avant de les réutiliser plus tard, quand le moment sonne enfin juste ? Les carnets d’esquisse de Beethoven sont pleins de ces fragments abandonnés un temps car pas encore mûrs. Bach et Mozart découperont leurs œuvres de jeunesse pour leur redonner vie, des années après, sous une forme plus mature.

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