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De génération en génération

© Dana Yoeli, The last Robinson, 2016, Graphite on handmade notebook
Courtesy of Chelouche Gallery for contemporary art, Tel Aviv

BUCAREST, 1944 : MON GRAND-PÈRE SILVIU A 13 ANS.

Il célèbre sa bar mitsva. De celle-ci, je ne sais rien, ou presque. À quoi ressemblait la synagogue ? Quelle parasha a-t-il lue ? Je l’ignore. En fait, tout ce que je sais, c’est qu’on l’a forcé à la faire et qu’il n’était pas content – mais alors, pas content du tout – d’être là. Esprit scientifique (il deviendra quelques années plus tard le plus jeune professeur de physique de l’université de Bucarest) puis communiste fervent (avant d’observer les dérives du régime et de déchanter violemment) il ne portait pas la religion dans son cœur. S’il a accepté de monter à la Torah, c’est uniquement pour suivre la volonté de ses parents, dont il était le fils unique et adoré.

Ceux-ci étaient au demeurant loin d’être des bigots. Ils faisaient partie de ces familles bourgeoises, urbaines et assimilées, dans lesquelles on ne fréquentait plus la synagogue avec assiduité depuis plusieurs générations déjà. Laïcs au quotidien, ils n’étaient restés attachés qu’à quelques traditions. Plus tard, à Paris, mon arrière-grand-mère nous réunissait par exemple autour de grands repas familiaux au moment de Pessah ou de Rosh Hashana – sans pour autant qu’il soit question de tremper la pomme dans le miel ou de lire la haggada, au lieu de quoi l’on se délectait de savoureuses spécialités roumaines, souvent à base de saucisse et de lard.

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