Dieu dans la guerre

© Yoav Ben Dov, “Hands of Gold” – photo: Amir Weinberg – Courtesy Engel Gallery, Jérusalem
(Œuvre publiée dans le #149, automne 2012)

Dans la guerre qui se déroule aujourd’hui (et déjà depuis plus de six mois) Dieu semble être omniprésent. Le gouvernement israélien, le plus religieux depuis toujours, invoque son nom (en vain) à presque chaque événement. Bien entendu, le nom d’Allah est exprimé de façon régulière du côté palestinien de l’équation.

Ce qui est surprenant est le fait que, dans ces discours, Dieu apparaît comme un agent de désespoir et un élément qui renforce l’état actuel dans lequel nous sommes. Mais est-ce la seule façon de penser à Dieu? Est-ce que Dieu n’est rien d’autre qu’un grand point d’exclamation sur nos positions et notre situation? Je tenterais de proposer une autre possibilité. 

Dans le récit de la création du monde dans la Genèse il n’y a presque rien qui se produit exactement comme Dieu le voulait (les arbres font des fruits au lieu d’avoir déjà le goût de fruits, par exemple), sauf la lumière qui se fait exactement comme Dieu l’ordonne (ויאמר אלוהים יהי אור, ויהי אור). Le midrash insiste sur ce point et nous dit que cette lumière remplissait le monde entier, qu’elle était une lumière sans ombre. Mais il raconte aussi que cette lumière a été enlevée du monde par Dieu qui a décidé de la conserver pour les justes à la fin des temps.

Les sages nous disent donc que le monde fut rempli d’une lumière pure mais qu’il ne l’est plus. De cette lumière il ne nous reste qu’un souvenir. Dans la Kabbale nous trouvons un récit similaire qui raconte qu’avant la création du monde tout l’espace était rempli de la présence divine et que, pour faire place à l’homme, Dieu s’en est dégagé. Mais de cette préhistoire divine il reste quelque chose dans notre monde, le reshimo que nous pouvons traduire comme “l’empreinte”, la “mémoire” ou la “trace”.

Ceci est un souvenir qui a été ancré en nous, une sensation que le monde peut être bon, beau et juste, que la paix est possible. Rien dans le monde ne nous sert de preuve de cela, mais nous le sentons, nous pouvons en rêver, nous pouvons imaginer. Cette possibilité d’imaginer un monde qui n’est pas notre monde actuel est ce souvenir de la lumière préhistorique qui nous interpelle et peut même nous mobiliser à l’action.Dans une guerre comme celle dans laquelle nous nous trouvons, la seule place que nous pouvons permettre à Dieu d’occuper dans le discours est celle de l’élément qui nous permet de rêver un autre monde, d’autres possibilités, une autre vie. La place de Dieu est celle de l’espoir et de la créativité, celle du rêve.