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Du texte au textile, nos vies sur un fil

Shmattes, le premier mot yiddish que j’ai appris de mon grand-père, qui revenu de déportation s’est installé en tant que tail- leur de costume pour homme à Tours. Après les baraquements, il appelle sa boutique Harry Steed en référence à Harry’s Tweed, tissu de prestige. Il fallait rester chic surtout après le pire.

Comme beaucoup de déportés, il s’est détourné du Texte pour s’impliquer dans le textile avec nos vies sur un fil désormais.

Ma mère est née en 40, ce qui n’est pas une bonne année pour naître. Après la guerre, sortie de sa cachette poitevine, elle retrouve mes grands-parents à la libération. Une adolescence silencieuse et solitaire d’enfant cachée, qui à 13 ans doit travailler sans mot dire aux côtés de mon grand-père dans le shmatt. Grâce à une soif de liberté sans limite, elle quitte à la majorité le textile pour vivre « livres », livrée à elle-même. Et, c’est ainsi, à la retraite de mon Grand-père que ma mère transforme la boutique d’Harry Steed en « Boîte à livre de l’étranger », sa librairie. Enfin apaisée, elle est libre et rit.

C’est ici que mes parents se sont rencontrés, dans ce lieu remplit de bouquin, dans un amour pas cousu de fil blanc, puisque mon père est tout noir.

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