Édito : L’art à l’ombre du texte

L’édito du rabbin Delphine Horvilleur

La plus célèbre école d’art en Israël rend hommage à un homme, héros de la Bible. Dans le livre de l’Exode, Dieu confie à Betsalel une mission ainsi énoncée : 

« Vois, j’ai designé Betsalel fils d’Ouri, fils de Hour de la tribu de Juda ; et je l’ai empli d’une inspiration divine, d’intelligence et de sagesse, de connaissance et de talent » (Exode 31:2-3). Ainsi surgit dans la Bible la figure de l’artiste, en charge de la construction du Tabernacle dans le désert, choisi pour traduire le projet divin en matière, et bâtir d’une parole énoncée tout un espace sacré. 

Betsalel a du talent mais aussi un nom à nul autre pareil. Il se nomme « À l’ombre de Dieu, fils de ma lumière, fils de mon vide ». Et ce nom dit peut-être ce qu’est l’Art pour la pensée hébraïque : une quête qui commence toujours dans l’obscurité, dans la nuit de la création, et la conscience humble d’un transcendant qui nous oblige à l’explorer sans relâche, et le chercher dans l’œuvre de nos mains. 

Le Texte sacré attend de nous la même chose : il est fait de lumières et de zones d’ombres, à la fois parfait et manquant, et il attend les commentaires qui viendront y jeter une lumière. Voilà pourquoi l’Artiste, à l’ombre du Texte, a le pouvoir d’y projeter des interprétations nouvelles. Sa création est d’abord une interprétation. 

C’est ce que raconte ce numéro de Tenou’a, consacré à l’Art. Chaque artiste y présente son œuvre comme un midrash, une exégèse biblique contemporaine. Commentaires de commentaires : des rabbins, des auteurs et des philosophes racontent comment, par ces œuvres, s’éclairent alors leurs interprétations. 

L’équipe de Tenou’a vous souhaite un très bel été, à l’ombre de vos lectures.