Édito : Le jeu du chat et de la souris

L’édito du rabbin Delphine Horvilleur

Il existe de très nombreuses histoires juives, et bien des récits littéraires ou cinématographiques, qui dépeignent avec humour le rite de passage le plus célèbre du judaïsme: la bar mitsva. Laissez-moi vous en citer deux. 

Tout d’abord, cette célèbre blague que j’aime raconter aux jeunes filles et garçons que j’accompagne dans cette célébration : 

« C’est l’histoire d’un rabbin qui découvre que sa synagogue est infestée de petites souris qui grignotent chaque nuit ses livres de prière. Ne sachant comment se débarrasser d’elles, il demande conseil à un de ses collègues qui lui répond: “C’est très simple! Tu n’as qu’à leur faire faire leur bar mitsva… et, tu verras, elles ne reviendront plus jamais. »

La deuxième référence, plus célèbre encore, a pour auteur Joann Sfar. La saga du Chat du Rabbin débute précisément avec un souhait: le chat veut faire sa bar mitsva. L’animal est motivé mais son maître ne veut rien entendre. Quelle injustice ! 

Ces deux références racontent bien ce qu’est, dans certaines familles juives, le rite d’entrée dans la majorité religieuse: un jeu du chat et de la souris.
Il y a ceux qui le vivent comme un passage obligé, une épreuve intergénérationnelle à laquelle on n’échappe pas et qui vient sceller quelques années de Talmud Torah… pour vous en libérer.
Il y a ceux (et, bien souvent, celles) qui auraient tant aimé ritualiser ce passage, sans pouvoir le faire, pour des raisons familiales ou religieuses.
Il y a ceux qui en gardent un souvenir ému et enrichissant et ceux qui vous racontent cet instant comme un rendez-vous raté avec leur histoire. 

Et chaque rabbin, parent ou éducateur juif perçoit ce qui se joue dans ce passage, ce qu’il pourrait ou devrait être: la conscience d’une appartenance, la possibilité pour un enfant de se tenir debout devant les siens, pour à la fois poursuivre et questionner, exprimer sa gratitude et interroger la transmission. Bref, être l’héritier d’une tradition qui s’enorgueillit de chérir les questions plus que les réponses. 

Ce numéro de Tenou’a tente d’interroger toutes ces voix, et d’écouter les témoignages des uns et des autres, les témoignages des maîtres et des élèves, des hommes et des femmes, entendre la voix du chat érudit, et convaincre les souris rebelles d’aimer encore un peu les livres. 

Mazal tov !