Rien que d’y penser, j’ai les papillotes qui en frémissent d’effroi. Si après cette tragique mésaventure, je n’ai pas renoncé au judaïsme, ce fut plus pour conforter ma mère dans l’idée que j’étais le digne descendant de Moïse que par adhésion à une religion assez sadique pour obliger un tout jeune homme haut comme trois pommes à gravir l’autel de la synagogue afin d’ânonner un bout de parasha auquel il ne comprenait rien et ce devant un parterre faussement ébahi.
Ce jour-là, je ne devins pas un homme – ridicule et sinistre plaisanterie ! –, non ce jour-là, je connus seulement le goût amer de la défaite, de l’humiliation en public, de l’intime tragédie d’un enfant innocent plongé dans l’enfer d’une synagogue chauffée à blanc. Je connus aussi ma première attaque de panique, ma première crise d’angoisse, ma première envie de défenestration quand, dans la voiture qui me menait à l’échafaud, je songeais que sitôt arrivé, je devrais non seulement affronter le regard d’une foule plus ou moins hostile mais aussi celui de l’Éternel dont je connaissais déjà le caractère ombrageux et volatil.
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