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J’aurais voulu être ashkénaze

Comme un ailleurs, le monde ashkénaze sonnait aux oreilles de Sefwoman ado comme la promesse d’un paradis.

Du plus loin que je me souvienne j’ai toujours voulu être ashkénaze. Ça a commencé à la préadolescence, vers 11, 12 ans, l’âge où l’autre et l’ailleurs sont toujours plus intéressant que le soimême et l’ici.

Ah, l’Ashkénaze… Son patronyme aux sonorités qui claquent comme un bruit sec, cette pratique du judaïsme light, ses cheveux lisses et clairs, cette histoire tragique qui fait de ta seule présence une victoire : tout chez les rares coreligionnaires originaires d’Europe de l’Est que je croisais, me fascinait, m’attirait et me confortait dans ce douloureux constat d’échec : je n’étais pas née du bon côté.

© Roni Hajaj, Untitled, 2014, Collage, 29 x 22 cm – www.ronihajaj.com

J’étais née dans la team du trop.
– Trop de famille (des cousins qui n’en sont pas vraiment, un nombre incalculable de tatas qui vous pincent les joues en hurlant à la mort, “Comme elle ressemble à Monette, la pauvre que D. repose son âme.”)
– Trop de bruit (de la musique, des simples discussions où “on ne crie pas” mais le niveau sonore avoisine quand même sérieusement celui des échanges télévisuels entre Jean-pierre Elkabbach et Georges Marchais, des mains qui tapent les unes dans les autres pour un oui ou pour un non, des youyous qui résonnent dans la cage d’escalier et sonnent l’hallali de ta dignité le jour où tu as tes règles).

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