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J’AURAIS VOULU ÊTRE SÉFARADE

Ah si Laurent Sagalovitsch avait pu naître séfarade, il embrasserait la vie et ne s’encombrerait pas de toutes ces angoisses d’Ashkénaze… à moins que cela ne suffise pas et qu’un patronyme soit parfois trompeur.

© Shai Azoulay, Meeting point, 2016, Oil on canvas, 163 x 140 cm – www.sazoulay.com

Ah si seulement dans sa grande bonté l’Éternel m’eût fait naître dans une famille de Séfarades, de celles qui batifolent heureuses et insouciantes du côté de Deauville, combien de souffrances il m’aurait épargné! Au lieu d’être cette demi-portion qui emmerde son monde et ses éditeurs avec le silence de Dieu pendant la Shoah, j’aurais aimé la vie avec la ferveur d’un bouffeur de couscous qui s’empiffre l’estomac de boulettes de viande et d’artichauts. J’aurais connu les joies simples de l’existence: les parties de poker à n’en plus finir, les réunions familiales où l’on s’engueule avant de s’embrasser, les sorties en jet-ski dans la baie de Juan-les-Pins, les vacances en famille au large de la Floride, le goût des pâtisseries orientales; tout simplement l’amour de la vie. Peut-être même aurais-je été heureux, détendu, exubérant au point de sourire en toutes circonstances, surtout le jour de la bar mitsva de mon fils où j’aurais fait étalage de ma pondération en organisant une réception en petit comité, une soirée des plus intimes à bord d’un simple Concorde transformé en dance-floor.

Au lieu de bouffer à tire-larigot des pastilles de Valium, je me serais jeté comme un affamé sur des glibettes venues tout droit de Tunisie et sur mes étagères, à la place de boîtes d’antidépresseurs, c’eût été des pots de harissa que j’aurais exposé.

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