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JE VOUDRAIS CROIRE À QUELQUE CHOSE

Nous vivons une époque où le clivage a remplacé le refoulement, faisant se côtoyer sans jamais les laisser se rencontrer désillusion et croyance, au détriment du sentiment d’identité propre. Alors s’ouvre la possibilité de s’agripper au complotisme. Parfois, cela se raconte dans un cabinet de psychanalyse.

© Tamir David, Natural Causes

«Le monde n’a pas de sens. Je voudrais croire à quelque chose», disent les patients d’aujourd’hui, dont la symptomatologie renvoie à une même dépressivité, celle du monde postmoderne. Celle d’un monde qui a enterré Dieu et les grands récits qui l’accompagnaient, et qui, faisant chuter l’ordre établi, a perdu la possibilité d’une garantie ultime du sens. Cette apparente lucidité sur l’absence d’un sens global les prévient-elle contre l’adhésion sans faille à des croyances, en particulier à des croyances complotistes ? Je crois qu’au contraire, ce rapport exacerbé au doute va souvent de pair avec une croyance en un absolu qui ne dit pas son nom et qui peut prendre des formes très variables, pouvant parfois mener jusqu’au complotisme.

Une jeune femme déprimée vient me voir, elle me parle de sa désillusion face à l’absence de sens, de sa façon de tout remettre en doute, et de son désir de croire à quelque chose. À mon étonnement, plus tard, dans la même séance, elle évoque un point d’adhésion très puissant à une cause, ce qui semble aller à l’encontre du détachement qu’elle déplorait. Alors que je l’interroge sur son engagement, elle me dit : «Mon engagement, je ne veux pas en parler, c’est inutile, puisque pour moi c’est une évidence.

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