LA BEAUTÉ SAUVERA LE MONDE

Photographe et grand reporter, Thierry Suzan parcourt le monde à la recherche de ses merveilles. Spécialiste des pôles, il n’en est pas moins à l’aise dans la jungle du SudEst asiatique ou dans les savanes d’Afrique. Avec La beauté sauvera le monde, livre cosigné avec le rédacteur en chef de GEO, il nous invite au voyage et à l’émerveillement.

© Thierry Suzan | Sani Pass, Lesotho
©Thierry Suzan | Monastère Mahagandayon, Amarapura, Myanmar
© Thierry Suzan | Talmud, Klaipéda, Lituanie
© Thierry Suzan | Goélette Rembrandt van Rijn, Baie de Disko, Groenland
© Thierry Suzan | Grand dauphin au large de Ténérife, Îles Canaries

ENTRETIEN AVEC THIERRY SUZAN

Antoine Strobel-Dahan Votre travail photographique montre la beauté naturelle du monde, une beauté qui pourrait le sauver. Comment définiriez-vous votre démarche ?

Thierry Suzan La dimension souveraine de la photographie, j’en suis convaincu, c’est la poésie. Ce sont ces instants éphémères, fugaces, rares, cette réalité surnaturelle qui permettent de susciter l’émotion. Pour saisir les lumières du monde invisible, le photographe doit s’affranchir des préjugés et des fausses évidences qui nourrissent son esprit et n’avoir aucune attente sur les éléments. Être réceptif à la vie et à l’inattendu. Une grande photographie, c’est une rencontre réussie entre la personnalité d’un individu et la survenance de quelque chose qui n’existe qu’à cet instant précis.

ASD Vous photographiez autant la nature la plus sauvage que les humains qui peuplent la Terre. Quel est le lien entre ces deux mondes ?

TS Les beautés universelles et les merveilles de la nature, certes magnifiques, éblouissantes, n’ont de sens que dans l’exaltation qu’elles provoquent. Le rêve en est l’émanation. Le photographe perçoit les sentiments profonds dans le regard de ceux qu’il croise. Il devient l’interface qui capte cette intensité. Je suis fasciné par cette alchimie miraculeuse et par le mélange insolite des sensibilités. L’humain est la composante essentielle dans mon travail photographique puisqu’il en est à la fois le sujet et le destinataire.

ASD Ce numéro parle de Souccot, une célébration de l’éphémère et du fragile qui renvoie l’homme à la vanité de ses réalisations. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

TS La dimension spirituelle et intangible des beautés terrestres nous impose l’humilité. Il ne suffit pas de les éprouver ou de les ressentir intimement pour s’en inspirer, il faut les mériter. Vouloir photographier l’œuvre divine me semble être une posture assez présomptueuse. Mais l’art est le champ de tous les possibles qui s’ouvre à ceux qui ont conscience de la fragilité de l’existence. Cela, je crois, est assez proche de l’esprit de Souccot.

ASD Votre judéité a-t-elle un impact sur votre travail ?

TS Le judaïsme m’impose une conscience aiguë à la fois de l’éternité des choses et de leur extrême fragilité. Je photographie, j’observe, je rencontre, j’échange avec ce que je suis. Je dois garder les yeux grands ouverts et être capable de m’émerveiller, de saisir la magie de l’instant. C’est certainement un comportement que l’on peut atteindre grâce à d’autres héritages personnels, mais le mien, celui qui me donne tout cela, c’est le judaïsme. C’est la conscience permanente du nes, du miracle de la beauté de la vie et la conviction que seule la beauté peut déclencher le rêve et permettre le tikkoun olam, rendre le monde meilleur.

La Beauté sauvera le monde, par Éric Meyer et Thierry Suzan, est un livre GEO publié aux Éditions Prisma.
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