L’art est un soutien de l’Histoire

ÉTAPE 4: LA DÉPORTATION DE SRUL RUGER

© Ethel Buisson

Drancy, les chemins du récit

Savoir écrire en cohérence avec sa personnalité et dans le respect de sa vérité construite par l’expérience vécue justifie toute expression artistique: écriture, dessin, peinture, sculpture, musique, architecture, images. Arthur Koestler, Elie Wiesel, Primo Levi, Isaac Katznelson, Raoul Hilberg, David Olère, Felix Nusbaum, Arbit Blatas, Daniel Liebeskind, Claude Lanzmann, Samuel Fuller, Joseph Losey, Art Spiegel, Benjamin Fondane, ont été et sont encore des géants dans ces domaines. Ils ont vécu ou éprouvé la Shoah et l’ont exprimée dans les oeuvres où le monde a reconnu la Shoah et s’est reconnu. Ils sont parmi les plus grands, mais ils sont entourés d’une foule presque innombrable de romanciers, mémorialistes, poètes, auteurs dramatiques, historiens, peintres, compositeurs, architectes, photographes et réalisateurs qui se sont attachés à décrire telle ou telle facette de cette oeuvre de mort massive qu’a été la Shoah. Et quel sujet ! Le peuple le plus ancien ayant traversé l’histoire, le peuple du Livre, du Dieu unique et de la Loi Morale, cible du peuple probablement le plus avancé techniquement, socialement et philosophiquement ; un peuple qui a trouvé dans tous les autres peuples du continent européen des complicités actives pour se débarrasser des juifs qui, à l’époque, étaient les seuls non-Chrétiens du continent, ou presque. Il est évident que certaines oeuvres sont insuffisantes, superficielles ou déviantes et qu’il faut exercer un esprit critique pour s’y confronter. Dans l’ensemble, l’art est un soutien de l’histoire; son pouvoir de choc influe sur la sensibilité du récepteur et l’aide à concevoir la signification de cette exceptionnelle tragédie qui ne cessera d’interpeller l’humanité.

À Drancy, en particulier, l’art a précédé la mémoire : des peintres de talent internés euxmêmes, ont, à la demande d’autres détenus, dessiné des compositions où se retrouvaient des familles entières arrêtées dans le cadre même du camp. À l’arrière-plan de la Joconde, un paysage toscan; derrière la famille Finkelsztajn le U de Drancy et les gratte-ciel de la gendarmerie. Il en a été de même à gurs et surtout dans le camp des Milles, Académie carcérale, où furent réunis comme ils ne l’avaient jamais été auparavant, les plus grands noms de la culture germanique et juive.