Les lecteurs de Tenou’a connaissent bien Asaf Hanuka, dont nous avons souvent parlé, notamment pour son fabuleux K.O. à Tel Aviv. Le bédéiste israélien revient chez Steinkis pour cette quête familiale touchante et prenante, Le Juif arabe.

Après des études de bande dessinée en France, le jeune Asaf rentre en Israël, pas bien sûr de ce qui l’attend ni de ce qu’il veut faire. Tandis qu’il erre entre désillusions d’un monde professionnel qui n’a que faire des artistes mais veut des programmateurs C++ et des parents inquiets de ce fils qui fume des cigarettes et ne semble pas pressé de se trouver un boulot, Asaf fait deux rencontres qui vont tout changer : celle avec une jolie blonde bouclée et celle avec un pan dramatique de son histoire familiale.

À l’heure où Israël interroge parfois douloureusement son identité, ses valeurs et son avenir, le récit de Hanuka est extrêmement précieux. Il y observe les relations entre les Juifs et les Arabes sur cette terre depuis avant même la naissance de l’État et questionne l’identité des Juifs arabes.

Par un procédé graphique surprenant et malin, Hanuka nous fait traverser le temps de page en page, et met en regard les états d’âme du jeune Israélien contemporain et l’histoire du grand-père pionnier dans les années sans s’interdire quelques incursions dans la grande Histoire.

On y parle de Juifs, d’Arabes, d’Arabes qui prennent des noms juifs, de Juifs qui sont désarabisés par le conflit, on y parle d’amour, on y parle d’être né quelque part, de comment un récit se crée et de comment on l’entend, selon là d’où on l’écoute. Et cette parole est ici si justement servie par la très belle traduction de Rosie Pinhas-Delpuech.

Comme dans Le Réaliste (le nom de l’intégrale de K.O.) ou dans le bouleversant Pizzeria kamikaze écrit avec Etgar Keret, Hanuka confirme ici son talent tout particulier pour s’emparer d’histoires intimes ou douloureuses avec tendresse et sincérité.

Voici donc le dernier roman graphique d’Asaf Hanuka, particulièrement réussi, à lire absolument, qu’on soit juif, arabe, un peu des deux ou rien de tout ça.