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L’hypnose du bulletin de santé

Dans une période où chacun, derrière son écran ou son poste de radio, est convoqué en expert, difficile de ne pas sombrer dans un monde de l’information où l’avis de l’ignorant et celui du sachant auraient la même valeur, la même légitimité.

© Ofer Lellouche, “The Hug”, 2019-2020, bronze, 212 x 60 x 150 cm – Courtesy Gordon Gallery, Tel Aviv

Il y a longtemps, lors d’un calme printemps, j’ai dévoré L’amour au temps du choléra où Garcia Marquez raconte ce que la longue durée fait d’un amour qu’on avait cru éternel. 

En cet autre printemps, l’information au temps du corona, sonne comme un avatar: une ère qu’on croyait éternelle bousculée par un ouragan imprévu. 

Ma génération, celle des « boomers », tellement brocardée aujourd’hui, a imaginé que l’époque s’était arrêtée pour elle: fin des dictatures en pays développé, progrès apportant la prospérité et la démocratie, technologies nous affranchissant de bien des contraintes, liberté des consciences et des sexes. En quelques semaines tout a basculé. Le monde connu s’est changé en univers étranger, la science s’est heurtée au mur de l’obscurité, la famine guette désormais les endroits de la planète qui en étaient presque débarrassés, tout est devenu menace, au point que l’on ne peut même plus pratiquer l’un des plus vieux réflexes du monde, serrer dans ses bras ses enfants ou petits-enfants. 

Pour la journaliste que je suis, le vertige est radical. On savait bien que l’information fiable était déjà menacée, que l’image diffusée partout, tout le temps, faisait de l’ombre à la distance et à la réflexion; qu’Internet et les réseaux sociaux menaçaient le sérieux des nouvelles de qualité; mais on se disait que la raison était la plus forte et que le public, mieux averti, saurait faire le tri. 

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