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Nostalgie du toucher

Enfermé dans son appartement parisien, l’historien, chercheur et écrivain Jean-Christophe Attias relit ses classiques et s’interroge, tout en pédalant sur un vélo d’intérieur, sur ce qui nous touche et sur ce qui nous manque.

© Eitan Vitkon, Soft Kiss, C-Print, Thornes, 100 x 150 cm – www.vitkoneitan.com

28 mars
Sous un couvercle 

Vous vivez sous un couvercle. C’est juste plus ou moins pénible, plus ou moins désagréable. Selon que vous êtes riche ou pas, jeune ou pas, seul ou pas. Selon que vous avez un grand appartement, un libre accès à la lumière et au ciel, un balcon, un jardin, ou pas. Selon que vous avez de l’imagination ou pas. Ne dites pourtant jamais: au fond, c’est supportable, tant que c’est provisoire. 

Une fine pellicule de cendre a recouvert le monde. Il arrive qu’on ne la remarque pas, et pourtant elle est là. Il y a la peur, d’abord, de la souffrance et de la mort, pour vous, pour ceux que vous aimez, pour tous les autres. Il y a cette absence absolue de vie sociale. Toute vie sociale implique le nombre, la proximité et, surtout, le toucher. Il y a enfin cette absence absolue de liberté. Être libre, c’est marcher aussi loin que l’on veut. La liberté intérieure est une fiction: le rêve sans l’horizon de la révolte.

 Alors ne dites jamais: c’est supportable, ça ne va pas durer. Parce que vous pourriez finir par vous dire que c’est normal.

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