Pourquoi avoir choisi de fonder une synagogue LGBt à New York en 1973 ?
Par une froide soirée de février 1973, un groupe de gays se réunit pour célébrer Shabbat. Ils se réunirent avec la conviction qu’il était possible d’être tout à la fois profondément juif et fièrement gay, une idée révolutionnaire à cette époque. Nos fondateurs espéraient simplement créer une communauté au sein de laquelle ils pourraient joindre et célébrer leurs identités juive et gay. La synagogue née ce soir-là est devenue la communauté Beit Simchat Torah ; une maison spirituelle pour ses membres qui a redéfini la relation entre le judaïsme et la sexualité et continue à transformer le paysage politique et religieux à travers le monde.
Existait-il alors un besoin spirituel spécifique au sein de la communauté juive LGBT ? Pourquoi ?
Un dépliant de la communauté datant de 1974 ou 1975 expliquait ainsi la mission de la synagogue telle que ses fondateurs la concevaient :
« La synagogue gay est plus qu’un lieu de prière. Elle est plutôt consacrée à offrir une immersion complète dans la judaïté et le plaisir des nombreuses facettes du riche héritage juif. Pourquoi une synagogue à part pour les gays ? Certainement y a-t-il autant de raisons que de gens qui la fréquentent. Pour certains, il est difficile de s’identifier aux communautés établies desquelles ils sont rejetés même s’ils cachent leur orientation sexuelle. D’autres ne trouvent plus d’intérêt à la vie religieuse en groupe mais trouvent dans ce groupe une entente particulièrement bonne. D’autres encore, qui n’ont reçu aucune éducation religieuse viennent ici bâtir leur identité juive dans le contexte particulier qui est le leur. Peut-être le plus séduisant est-il la possibilité offerte ici d’apprécier sa judéité et son homosexualité. »
Quelle est la situation des juifs LGBT aux États-Unis aujourd’hui ? Constatez-vous une évolution au sein des institutions juives ?
La condition des homosexuels de toutes les religions a profondément changé depuis 1973, même si l’on ne peut ignorer la terrible tragédie du SIDA dans les années quatre-vingts et au début des années quatre-vingt-dix. Alors que ce cataclysme ne pouvait être imaginé au moment de la création de Beit Simchat Torah, ce que nous avons obtenu en termes d’intégration sociale, de reconnaissance publique et de protection juridique aux États-Unis outrepasse tous les rêves que nous avions par le passé. Les communautés et institutions juives les plus progressistes comprennent qu’il est de leur devoir d’inclure les LGBT, et de nombreuses institutions agissent au quotidien pour évoluer vers des pratiques plus inclusives encore. Les juifs LGBT trouvent même une forme d’acceptation dans certaines communautés orthodoxes. Mais être juif et lesbienne, gay, bisexuel ou transsexuel reste, dans le monde ultraorthodoxe, particulièrement éprouvant. Pourtant, même là, des initiatives locales ou professionnelles de soutien naissent et se multiplient, qui donnent à ces juifs l’espoir de pouvoir vivre heureux en tant que LGBT assumés et juifs religieux.
Propos recueillis et traduits par Antoine Strobel-Dahan