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Parce que c’était toi, parce que c’était toi

© Angelika Sher, Untitled, 2020 (Woman in window), Archival Pigment Print, 82 x 80 cm
Courtesy Zemack Gallery, Tel Aviv

Je traversais la vie par trêves, les nerfs dénudés, la peine tout à l’intérieur, lovée dans une langueur pastel. Le printemps s’était levé, les réverbères coloraient la nuit et la ville d’orange douce, j’y habitais. L’indifférence et l’anesthésie au creux de moi, je priais tous les soirs, « délivre-moi du mal, délivre-moi du mal ». Je croyais mourir vivante d’un chagrin d’amour, je suffoquais seulement d’avoir trop aimé l’amour lui-même.

La fureur de vivre nichée dans la torpeur, ensemble comme des frères, nous sortions tous les jours de semaine, chacun nos raisons sans en dire vraiment mot. Et la vie allait comme cela, et comme cela, nous nous laissions porter, un tapis roulant rouge sous nos pieds. Conquérants, chercheurs d’or dans un réel décevant et donc déserté, nous marchions vers d’autres espaces, d’autres rêves, sans même savoir lesquels, ni ce que nous tendions à y trouver. Nous vivions ainsi comme deux adulescents, déjà nos cœurs brisés à pile vingt ans, une même volonté de nous enfuir de nous-mêmes.

Au milieu de nos danses et nos rires, nos excès et nos spleens, nous nous accrochions l’un à l’autre, nos baguettes de sourcier dirigées vers de mêmes aventures.

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