Contenu réservé aux abonnés

Secret savoir

L’étude de la Torah ou du Talmud, en petits groupes, dans une langue aussi étrange qu’étrangère, par des hommes qui se réunissent non sans un certain décorum et quelques rituels, a de quoi exciter bien des fantasmes dans notre époque avide de transparence. Mais que diable peuvent donc bien faire ces Juifs qui se regroupent en secret au petit matin pour baragouiner dans un drôle de charabia ?

© Shir Moran, Blue Haired Sister, 2019 Courtesy Alon Segev Gallery

Je me vis offrir, il y a huit ou neuf ans, d’assister à un cours de Talmud fort matinal. J’habite à New York et je fréquentais à l’époque une synagogue où je faisais à peu près figure de schnorrer [mendiant]. R. B. était très frum [pratiquant] mais il aimait la langue française et les lettres : cela avait suffi, ma foi, à faire s’imaginer à ce vieil homme que j’étais digne de me joindre à son groupe. Rendez-vous fut pris. C’était un matin d’hiver et l’adresse qui m’était donnée était – chose que j’ignorais alors – celle d’un diamantaire qui, tous les jours de semaine, à cinq heures, réunissait ainsi quelques amis, collègues et connaissances pour s’adonner à l’étude. J’avais marché de l’Upper West Side jusqu’au sud du parc et le hasard fit qu’à un pâté de maison près, j’atterris, sans y prendre garde, au lieu de l’immeuble qui m’avait été indiqué, dans un hôtel : j’étais, avouons-le, fort mal réveillé, et ne savais rien de l’immeuble en question. Je ne fus donc pas surpris de me trouver dans un hall assez pompeux à la réception duquel je n’eus plus qu’à demander le nom mentionné par R.

Abonnez-vous pour lire cet article

S’abonner en ligne